Introduction
Lorsqu’une personne estime que l’administration lui a causé un préjudice, il lui revient, pour obtenir réparation, de déterminer que ce préjudice a pour cause directe l’action de l’administration. Pour apprécier ce lien de causalité, différentes théories existent. Selon la théorie de l’équivalence des conditions, toutes les évènements nécessaires à la réalisation du dommage sont considérés comme en étant les causes. Une autre théorie, dite de la causalité adéquate, prévoit que la réalisation d’un dommage est attribuée à celui des faits dont on peut estimer qu’il avait une vocation particulière à provoquer ce dommage. C’est cette seconde approche que retient le juge administratif.
Il arrive, toutefois, que des évènements extérieurs à l’administration interviennent dans la réalisation du dommage et viennent, ainsi, rompre le lien de causalité entre le préjudice et l’action administrative. Ces évènements, appelés causes exonératoires, ont pour conséquence de décharger, totalement ou partiellement, l’administration de sa responsabilité, selon qu’ils sont ou non l’unique cause du dommage. Certaines causes exonératoires sont invocables tant dans les systèmes de responsabilité pour faute que de responsabilité sans faute (I). D’autres ne sont admises par le juge que dans le cadre d’un régime de responsabilité pour faute (II).
I – Les causes exonératoires invocables dans tous les systèmes de responsabilité
Certaines causes exonératoires sont applicables tant pour la responsabilité pour faute que pour les différents régimes de responsabilité sans faute. Il en existe deux : la faute de la victime et la force majeure.
a / La faute de la victime peut constituer en une imprudence, une vitesse excessive ou un défaut de surveillance des parents lorsque ce sont leurs enfants qui subissent un dommage. Ici, lorsqu’un dommage a pour cause totale ou partielle une faute de la victime, l’administration est exonérée totalement dans le premier cas et partiellement dans le second, qu’il s’agisse d’un régime de responsabilité pour faute ou sans faute.
Un lien peut, ici, être fait avec ce que l’on appelle l’exception d’irrégularité qui est un mécanisme en vertu duquel la victime d’un préjudice ne peut solliciter l'indemnisation de celui-ci s’il apparaît que ce dommage résulte d’une situation illégale dans laquelle elle s’est volontairement placée (voir l’arrêt de synthèse de ce mécanisme : CE, 30/01/2013, M. Imbert) : par exemple, un préjudice subi par une personne occupant une partie du domaine public sans disposer d’autorisation. En pareille hypothèse, la responsabilité de l’administration sera écartée, totalement ou partiellement, selon que le dommage a pour cause exclusive ou non la situation irrégulière de la victime.
b / La force majeure est caractérisée par trois éléments : il s’agit d’un évènement imprévisible dans sa survenance, irrésistible dans ses effets et extérieur aux parties. Si elle est reconnue, elle exonère totalement ou partiellement le service public, selon les rôles respectifs de l’évènement et de l’action administrative dans la réalisation du dommage, tant en matière de responsabilité pour faute qu’en matière de responsabilité sans faute. Toutefois, la force majeure est rarement reconnue par le juge.
II – Les causes exonératoires invocables uniquement dans le système de responsabilité pour faute
Deux causes ont un effet exonératoire limité au régime de responsabilité pour faute : le fait d’un tiers et le cas fortuit.
a / Le fait d’un tiers correspond à l’hypothèse où le dommage est la résultante en tout ou partie de l’action d’un tiers. Ici, ce fait n’entraîne une exonération totale ou partielle, selon sa contribution au dommage, que si l’on se situe sur le terrain de la responsabilité pour faute et jamais si est en cause un régime de responsabilité sans faute. De plus, le fait du tiers n’a aucun effet exonératoire lorsque la responsabilité est fondée sur une présomption de faute (par exemple, les dommages de travaux publics subis par les usagers d’un ouvrage public). En résumé, le fait d’un tiers n’est invocable que dans un régime de responsabilité pour faute prouvée.
b / Le cas fortuit est un événement imprévisible dans sa survenance et irrésistible dans ses effets. Mais, contrairement à la force majeure, il n’est pas étranger au défendeur. Le cas fortuit n’emporte exonération totale ou partielle que si l’on est sur le terrain de la responsabilité pour faute (prouvée ou présumée, ici). Il est irrecevable dans tous les cas de responsabilité sans faute.
