Il est, en droit, des principes intangibles sur lesquels le juge peut, sans peine, s’appuyer. Celui posé en 1921 par le Tribunal des conflits est l’un de ceux-là : dans l’une des rares décisions de la jurisprudence administrative qui se verra dotée d’un surnom, le juge des conflits créait, à côté de la catégorie des services publics administratifs (SPA), celle des services publics industriels et commerciaux (SPIC) et décidait que les litiges nés des rapports qu’ils entretiennent avec leurs usagers relèvent des juridictions de l’ordre judiciaire (TC, 22/01/1921, So. commerciale de l’Ouest africain, dit Bac d’Eloka). Par cette décision, la Haute juridiction ouvrait la voie à une nouvelle problématique : celle de la distinction entre les deux types de services publics. C’est une telle question qui se pose en l’espèce.

Dans cette affaire, un nouveau compteur d’eau a été installé au domicile de Mme. Alberti-Scott. Afin d’en obtenir le paiement, la commune de Tournefort a émis à l’encontre de l’intéressée un titre exécutoire le 21/09/1996. Mme. Alberti-Scott a saisi le Tribunal de grande instance de Nice pour faire annuler cette décision. Celui-ci s’est, cependant, déclaré incompétent pour connaître du litige le 24/02/1998. Mme. Alberti-Scott s’est, alors, tournée vers le Tribunal administratif de Nice. Mais, les juges de Nice ont considéré être en présence d’une question de compétence juridictionnelle et ont saisi, par un jugement du 10/10/2003, le Tribunal des conflits afin que celui-ci se prononce. Dans une décision du 21/03/2005, la Haute juridiction a décidé que le service public de distribution d’eau présentait un caractère industriel et commercial et a, sur la base de la jurisprudence Bac d’Eloka, reconnu le juge judiciaire compétent pour connaître du litige.

Pour adopter cette solution, le Tribunal des conflits s’est appuyé essentiellement sur l’objet du service et a considéré que celui-ci créait une présomption de commercialité à son profit, s’éloignant, ainsi, de la méthode traditionnellement de distinction des SPA des SPIC. En effet, aux termes de la jurisprudence Union syndicale des industries aéronautiques (CE, ass., 16/11/1956, USIA), tout service public est présumé administratif. Cette présomption ne peut être renversée que si, aux points de vue de son objet, de son mode de financement et de ses modalités de fonctionnement, il ressemble à une entreprise privée. La position prise en l’espèce va donc doublement à l’encontre de ces principes : d’une part, elle substitue une présomption de commercialité à une présomption d’administrativité ; d’autre part, elle neutralise le caractère cumulatif des trois conditions posées en 1956 et rend, ainsi, cette présomption quasi irréfragable.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, la présomption de commercialité consacrée par le Tribunal des conflits (I) et d’analyser, dans une seconde partie, le caractère quasi irréfragable de cette présomption (II).

  • I – Une présomption de commercialité consacrée
    • A – Un objet analogue à celui d’une entreprise privée
    • B – Un objet qui fonde une présomption de commercialité
  • II – Une présomption de commercialité quasi irréfragable
    • A – Le mode de financement : une condition écartée
    • B – Les modalités de fonctionnement : une condition neutralisée
  • TC, 21/03/2005, Mme Alberti-Scott

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