Introduction
Chaque année, l’Etat alloue des dotations aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, aux départements et aux régions. Elles représentent, en moyenne, 30 % du total de leurs ressources. Après une stagnation de 2011 à 2014, puis une baisse de 2015 à 2017, ces dotations ont tendance à augmenter depuis 2018 : elles s’élevaient, ainsi, à 48,6 milliards d’euros en 2019.
Ces variations s’expliquent par la volonté de l’Etat de contrôler, à travers leurs ressources, l’évolution des dépenses des collectivités locales dans un contexte de maitrise des déficits publics. C’est, là, un pas de plus vers une régulation globale de l’ensemble des trois branches des finances publiques.
Ces dotations étatiques répondent à trois finalités. Une finalité de compensation, notamment, des transferts de compétences réalisés dans le cadre du processus de décentralisation et des allègements d’impôts locaux, régulièrement, décidés. Une finalité de péréquation, c’est-à-dire de réduction des inégalités de ressources et de charges entre collectivités. Et, une finalité visant à orienter les investissements des collectivités locales en faveur de certaines politiques sectorielles.
Certaines dotations servent à financer les dépenses de fonctionnement des collectivités. Il s’agit, principalement, de la dotation globale de fonctionnement (DGF) au sein de laquelle ont été intégrées de multiples dotations. D’autres visent à soutenir les politiques d’investissement et les efforts d’équipement des administrations locales. La plus importante est le fonds de compensation de la TVA.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, la dotation globale de fonctionnement (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les dotations d’équipement (II).
I - La dotation globale de fonctionnement
Il existe de multiples dotations de fonctionnement. L’on trouve, par exemple, la dotation spéciale instituteurs allouée aux communes dans la mesure où elle doivent assurer le logement des instituteurs, la dotation générale de décentralisation qui est destinée à financer les transferts de compétences de l’Etat aux collectivités, la dotation élu local ou, encore, la dotation politique de la ville.
Mais, la plus importante demeure la dotation globale de fonctionnement. Après une période de baisse de 2014 à 2017, la DGF tend à se stabiliser, depuis 2018, autour de 27 milliards d’euros : elle représentait, ainsi, 26,8 milliards d’euros en 2020. Cette dotation, dont les origines sont anciennes (A), bénéficie aux communes (B) et aux départements (C) à hauteur, approximativement, des deux tiers pour les premières et du tiers pour les seconds. En revanche, il n’existe pas de DGF pour les régions : en effet, la loi de finances pour 2004 avait créé une DGF pour ces collectivités, mais elle a été supprimée depuis 2018 et remplacée par une part du produit de la TVA.
A - Les origines de la DGF
La DGF est la résultante de réformes successives qui se sont étalées sur une période longue d’une quarantaine d’années. Elle illustre, parfaitement, le mouvement qui allait affecter la fiscalité locale au tournant du XXI° siècle, à savoir la transformation de recettes fiscales en dotations étatiques. Au départ, en effet, nulle DGF pour alimenter les budgets locaux. Tout au contraire : des recettes fiscales qui allaient être régulièrement modifiées pour se voir substituer, en 1979, une subvention de l’Etat.
En 1941, est, ainsi, créée une taxe locale au taux de 1,75 % sur les ventes de détail (hors produits alimentaires courants) et sur les prestations de services réalisées dans les villes. Cette taxe est étendue, en 1945, à l’ensemble du territoire. Il s’agit d’une taxe additionnelle aux taxes sur le chiffre d’affaires. Cette taxe est, à l’époque, le revenu fiscal le plus important pour les communes.
La réforme de la fiscalité sur la dépense réalisée par la loi du 10 avril 1954 vient créer la TVA. Mais, elle laisse subsister la taxe locale qui devient une taxe indépendante au taux de 2,75 % s’appliquant au commerce de détail, aux artisans, aux spectacles et aux ventes à consommer sur place.
Ce système était, toutefois, critiqué, car il avantageait les grandes villes au détriment des communes rurales : les premières percevaient, en effet, des recettes plus importantes en raison du poids plus important de leurs commerces. Aussi, la loi de finances pour 1951 a institué un système de péréquation via un prélèvement sur l’ensemble du produit de la taxe locale destiné à être reversé aux communes les plus pauvres.
La taxe locale est, ensuite, supprimée par la loi du 6 janvier 1966 en raison de l’extension du champ d’application de la TVA au commerce de détail. Il est, alors, décidé d’affecter la taxe sur les salaires (créée en 1948), à hauteur de 85 % de son produit, aux budgets locaux.
Mais, la décision d’exonérer de taxe sur les salaires les contribuables assujettis à la TVA rend, à nouveau, nécessaire de trouver une ressource de remplacement. La voie choisie est de calculer, fictivement, la taxe sur les salaires qu’auraient pu percevoir les collectivités. Est, ainsi, institué le versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS) qui était, en réalité, une subvention de fonctionnement. Ce système s’est, cependant, vite révélé inadapté en raison de son indexation sur une base, les salaires, bien trop sensible à la crise économique enclenchée dans la seconde moitié des années 1970. Le système est, alors, réformé en totalité par la loi du 3 janvier 1979 qui crée une véritable dotation globale de fonctionnement.
B - La DGF des communes
La DGF des communes s’élève 18,3 milliards d’euros en 2020. Elle comprend une dotation forfaitaire (1) et une dotation d’aménagement (2).
1 - La dotation forfaitaire
Jusqu’en 2014, la dotation forfaitaire comprenait cinq parts : une dotation de base « population » allouée en fonction du nombre d’habitants, une dotation superficiaire allouée en fonction du nombre d’hectares de la commune, une dotation de compensation de la suppression de la part « salaire » de la taxe professionnelle, un complément de garantie assurant à chaque commune une progression minimale et une dotation « parcs nationaux et parcs naturels marins ».
La loi de finances pour 2015 a mis fin à ce système. Elle a simplifié le dispositif en le scindant en deux éléments. La première fraction est, maintenant, fixe : elle est égale, pour 2015, au montant alloué pour 2014, déduction faite de la contribution au redressement des comptes publics. La seconde fraction peut augmenter ou diminuer en fonction des variations de la population.
2 - La dotation d’aménagement
La dotation d’aménagement des communes comporte trois composantes.
La première est la dotation nationale de péréquation qui résulte de l'intégration du Fonds national de péréquation dans la DGF en 2004. Elle comprend deux parts : une part principale attribuée à certaines communes sur la base de critères tenant à leur potentiel financier et à leur effort fiscal, et une majoration allouée aux communes de moins de 200 000 habitants éligibles à la part principale.
La deuxième est la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale créée par la loi du 13 mai 1991. Elle est destinée à répondre aux problèmes particuliers qui se posent en milieu urbain. L’éligibilité est fonction du nombre d’habitants, du potentiel financier, du nombre de logements sociaux, du revenu des habitants et du nombre de bénéficiaires de prestations sociales de logements. Cette dotation s’adresse aux communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées.
La troisième est la dotation de solidarité rurale. Elle a pour objectif d’aider les communes les plus défavorisées et de maintenir une vie sociale en milieu rural. Elle est attribuée aux bourgs, centres et aux petites communes à faible potentiel financier.
Enfin, il convient de noter que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre bénéficient d’une dotation intercommunalité (calculée en fonction de la population, du revenu par habitant, du potentiel fiscal et du coefficient d’intégration fiscale). Il leurs est, également, alloué une dotation de compensation.
C - La DGF des départements
La DGF des départements représentait 8,5 milliards d’euros en 2020. Depuis les lois de finances pour 2004, 2005 et 2015, elle comprend trois composantes.
La première est la dotation forfaitaire au sein de laquelle ont été intégrées plusieurs anciennes dotations : la dotation de compensation de la suppression de la part « salaire » de la taxe professionnelle, la garantie de progression minimale, la part attribuée en fonction de l’impôt sur les ménages de l’ancienne dotation de péréquation et 95 % de la dotation générale de décentralisation correspondant au montant des compensations fiscales incluses dans cette dotation. Initialement composée de deux fractions (une dotation de base et un complément de garantie), cette dotation n’en comprend, depuis la loi de finances pour 2015, qu’une seule : celle-ci est égale au montant perçu l’année précédente majoré ou minoré du produit de la différence entre sa population constatée au titre de l’année de répartition et celle constatée au titre de l’année précédant la répartition par un montant de 74,04 € par habitant.
La seconde est la dotation de compensation. Elle comprend le concours particulier institué pour compenser la suppression des contingents communaux d’aide sociale et 95 % de la dotation générale de décentralisation hors compensations fiscales.
La troisième est la dotation de péréquation. Celle-ci est constituée de deux composantes : une dotation de péréquation urbaine qui est allouée aux départements urbanisés et qui est fonction du potentiel financier du département, du nombre de bénéficiaires de l’aide au logement et du Revenu de solidarité active (RSA) et du revenu moyen par habitant ; et, une dotation de fonctionnement minimale qui est destinée aux départements non urbains et qui est fonction du potentiel financier par habitant du département, du potentiel financier rapporté à la superficie et de la longueur de la voierie.
II - Les dotations d'équipement
Les dotations d’équipement étaient, jusqu’aux années 1970, allouées de manière spécifique. En effet, les collectivités locales jouant un rôle majeur en matière d’investissement, l’Etat souhaitait, notamment, permettre une meilleure planification des investissements locaux et orienter les choix des décideurs locaux. Mais, cette politique faisait l’objet de vives critiques de la part des élus locaux qui voyaient, là, outre un saupoudrage des subventions, la marque d’un assujettissement à l’égard de l’Etat. Aussi, les rapports entre l’Etat et les collectivités locales en matière d’équipement se sont orientés vers une logique de globalisation des subventions.
Parmi les dotations d’équipement, il est possible d’évoquer le fonds de compensation de la TVA (A), ainsi que deux dotations allouées, l’une aux territoires ruraux, l’autre aux départements (B).
A - Le fonds de compensation de la TVA
La TVA a constitué, au début des années 1970, un point de friction important entre l’Etat et les collectivités locales. Ces dernières, en tant que participantes au développement des infrastructures, ont, en effet, été confrontées à des charges croissantes qui les ont conduit à réclamer de plus en plus vigoureusement le remboursement de la TVA acquittée à ce titre. Les collectivités considéraient que les subventions d’investissement versées par l’Etat étaient largement obérées par le montant de la TVA incluse dans le prix des équipements, une TVA qu’elles ne pouvaient récupérer du fait de leur exclusion, en tant que collectivités publiques, du champ d’application de la TVA.
Aussi, les collectivités locales ont obtenu que l’Etat procède à une compensation de la TVA payée par elles sur leurs investissements. Cette compensation, considérée comme une subvention d’équipement, est gérée au travers du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA). Il s’agit du mécanisme de soutien à l’investissement public local le plus important : il s’élevait à 5,6 milliards d’euros en 2019.
Ce fonds bénéficie aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à leurs régies, aux organismes chargés de la gestion des agglomérations nouvelles, aux services départementaux d’incendie et de secours et aux centres communaux d’action sociale. Le taux de compensation correspond au taux normal de la TVA, minoré d’une réfaction en raison de la contribution française au budget européen assise sur la ressources TVA (il est actuellement de 16,404 %). Ce taux est, ensuite, appliqué aux dépenses réelles d’investissement, aux dépenses d’entretien des bâtiments publics et de la voirie, ainsi qu’aux dépenses d’entretien de réseaux réalisées depuis le 1° janvier 2020, qui ont supporté la TVA. En principe, les dépenses éligibles sont celles réalisées deux ans auparavant, mais il existe maintenant des mécanismes pour rapprocher l’opération d’investissement et la compensation de la TVA en N + 1, voire en N.
B - Les autres dotations d'équipement
Il est possible d’évoquer la dotation d’équipement des territoires ruraux (1) et la dotation de soutien à l’investissement des départements (2).
1 - La dotation d'équipement des territoires ruraux
La dotation d’équipement des territoires ruraux a été créée par la loi de finances pour 2011. Elle est le produit de la fusion entre la dotation de développement rural et la dotation globale d’équipement. Elle est versée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et aux communes. Les premiers sont éligibles si leur population n’excède pas 20 000 habitants, ainsi que, sous conditions, si leur population est comprise entre 20 000 et 60 000 habitants. Les secondes doivent, pour pouvoir en bénéficier, avoir une population n’excédant pas 2 000 habitants ou une population comprise entre 2 000 et 20 000 habitants à condition de respecter certains critères.
L’attribution des crédits est effectuée au sein des départements par le préfet. Ces crédits doivent être destinés à la réalisation d’investissements ou de projets dans le domaine économique, social, environnemental et touristique ou favorisant le développement ou le maintien des services publics en milieu rural. Une commission d’élus locaux détermine, chaque année, les catégories d’opérations prioritaires, ainsi que les taux de subventions applicables, et le représentant de l’Etat arrête sur ces bases la liste des opérations à subventionner, ainsi que le montant de la subvention.
2 – La dotation de soutien à l’investissement des départements
Cette dotation est composée de deux parts.
La première part représente 77 % de la dotation. Elle est attribuée à tous les départements, ainsi qu’à la métropole de Lyon, à la collectivité de Corse et aux collectivités de Guyane et de Martinique. Son objet est la réalisation d’investissement. Elle est répartie au niveau des régions sous forme d’enveloppes dont le montant ne peut être inférieur à 1 500 000 €, ni supérieur à 2 000 000 €. La répartition s’effectue en fonction de la population, de la longueur de la voirie du domaine public départemental et du nombre d’enfants de 11 à 15 ans. L’attribution de cette part est faite par le préfet de région.
La seconde part est libre d’emploi. Elle concerne les départements les moins favorisés (le critère utilisé est le potentiel fiscal par habitant et par km²).
