Introduction
La fiscalité locale représentait, en 2019, 59 % du total des recettes des collectivités locales. Après une forte croissance durant les années 1980, son poids n'a eu de cesse que de diminuer du fait des diverses mesures d’exonération et de suppression de certaines de ses composantes. A l’instar des impôts d’Etat, il existe des impôts locaux directs et indirects.
Outre différentes taxes secondaires, les impôts directs locaux se composent, principalement, de quatre grands impôts, appelés les « quatre vieilles ». Ces dernières ont été créées au sortir de la Révolution au profit de l’Etat, puis ont été affectées aux collectivités locales au cours de la première moitié du XX° siècle. Elles comprennent la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la taxe d’habitation et la contribution économique territoriale (qui a remplacé, en 2010, l’ancienne taxe professionnelle).
A côté, la fiscalité indirecte locale apparaît comme une source marginale de financement pour les administrations locales. Elle se caractérise par un archipel de taxes réparties entre les différents niveaux de collectivités.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les impôts directs locaux (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les impôts indirects locaux (II).
I – Les impôts directs locaux
La fiscalité directe locale se compose, principalement, des « quatre vieilles » (B), mais, également, d’une multitude d’autres taxes directes : l’on peut citer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la redevance communale et départementale des mines ou, encore, la taxe de balayage. Ces « quatre vieilles » sont le fruit d’une longue histoire (A).
A – L'histoire des impôts directs locaux
Les impôts directs locaux étaient, à l’origine, des impôts de l’Etat (1). Ce n’est que dans la première moitié du XX° siècle qu’ils ont été affectés aux collectivités locales (2). Il faudra, ensuite, attendre la fin du XX° siècle pour qu’ils soient réformés pour les mettre en adéquation avec la situation contemporaine (3). Toutefois, ils alimentent de moins en moins les budgets locaux tant l’Etat a fait disparaître des pans entiers de la fiscalité directe locale (4).
1 – A l’origine des impôts de l’Etat
Avant de constituer la ressource fiscale principale des collectivités locales, les « quatre vieilles » avaient été conçus par la Constituante comme des impôts d’Etat. Ces impôts venaient taxer le foncier, car les révolutionnaires, baignés par les thèses des physiocrates, considéraient que la source de la richesse résidait dans le foncier et qu’il convenait, donc, de frapper la seule propriété foncière.
C’est dans ce cadre que furent créés en 1790 et 1791 deux impôts d’Etat : la contribution foncière et la contribution mobilière. La première venait taxer la propriété foncière quand la seconde venait frapper le revenu du contribuable au travers du loyer qu’il payait, celui-ci étant censé représenter ses facultés contributives. Il fut, également, décidé, en dépit des principes physiocratiques, de créer un impôt sur l’activité commerciale et industrielle : la contribution des patentes qui se caractérisait par un droit fixe valant autorisation d’effectuer un négoce. Plus tard, en 1890, l’impôt foncier fut partagé en deux contributions : la contribution foncière des propriétés bâties et la contribution foncière des propriétés non bâties.
Ce système fiscal allait se révéler, rapidement, inadapté.
2 – Des impôts transférés aux collectivités locales
Le choix fait par les révolutionnaires d’asseoir en priorité l’impôt sur le foncier et de ne taxer que faiblement les revenus devait apparaître en totale inadéquation avec l’évolution de la France à compter de la seconde moitié du XIX° siècle. C’est, en effet, à partir de ce moment que le développement de l’économie s’appuie, non plus sur le foncier, mais sur l’industrie : or, le système fiscal hérité de la Révolution ne permet pas de profiter du fantastique essor de l’économie industrielle. Par ailleurs, l’Etat voit ses dépenses s’accroître sans que ses ressources, assises sur des bases obsolètes, ne progressent à la même vitesse.
Aussi, après avoir créé un impôt global sur le revenu en 1917, l’Etat décida de se défaire des « quatre vieilles » et de les transférer aux collectivités locales. Ce processus se fit en deux temps. D’abord, en 1917, l’Etat leurs alloua la contribution des patentes et le contribution mobilière. Puis, en 1948, les deux taxes foncières furent, à leur tour, abandonnées comme impôts d’Etat et affectées exclusivement aux collectivités locales.
Ces réformes ne se firent pas sans conséquence pour les collectivités. En effet, tant que l’Etat était intéressé par ces rentrées fiscales, il était, régulièrement, procédé à des réajustements de ces impôts. Or, après le transfert aux collectivités locales, les choses restèrent en l’état : c’est, ainsi, que, notamment, les valeurs locatives ne furent que, rarement, révisées, de sorte que ces impôts, d’une part, voyaient leur rendement demeurer en deçà des besoins des collectivités et, d’autre part, apparaissaient inadaptés aux facultés contributives des contribuables.
3 – Des impôts réformés dans la seconde moitié du XX° siècle
Alors que de multiples rapports dénonçaient, depuis plusieurs décennies, l’état de la fiscalité directe locale, les choses évoluèrent durant la seconde moitié du XX° siècle.
La première pierre fut posée par l’ordonnance du 7 janvier 1959. Non suivi d’application immédiate, ce texte définissait, toutefois, l’architecture d’ensemble d’une réforme qui devait être mise en œuvre par des textes ultérieurs. Il optait pour le maintien du système existant tout en le modernisant. Il prévoyait, ainsi, de substituer aux « quatre vielles » les taxes foncières sur les propriétés bâtie et non bâties, la taxe d’habitation et la taxe professionnelle. Il retenait une base unique, la valeur locative, pour les trois premières de ces taxes et prévoyait d’actualiser les bases par une révision générale afin que les valeurs locatives correspondent, enfin, à l’évolution économique. Il posait, enfin, le principe du droit pour les collectivités de voter les taux d’imposition. Ces principes devaient être mis en œuvre, par quatre lois, à compter des années 1970.
La première fut la loi du 31 décembre 1973. Celle-ci substitua trois nouvelles taxes aux anciennes contributions foncières et mobilière : la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d’habitation. Il était, également, décidé d’asseoir ces trois taxes sur la valeur locative des biens, notion plus proche de la réalité économique et plus dynamique. De nouvelles valeurs locatives étaient, par ailleurs, établies au 1° janvier 1970 et des clauses de révision périodique étaient mises en place.
Une loi du 18 juillet 1974 prévoyait, quant à elle, une révision générale des valeurs locatives tous les six ans et une actualisation de ces mêmes bases tous les deux ans au moyen de coefficients.
Une autre loi du 29 juillet 1975 devait remplacer la contribution des patentes par la taxe professionnelle. Elle en précisait, également, le régime en disposant que cette taxe est assise sur la valeur locative des immeubles, terrains et équipements, ainsi que sur une fraction de la masse salariale.
Enfin, la loi du 10 janvier 1980 conférait aux collectivités locales le pouvoir de voter les taux des quatre impôts locaux. Toutefois, afin d’éviter les inégalités de pression fiscale sur le territoire, elle instituait un taux plafond au-delà duquel il est interdit d’aller, en l’occurrence 2,5 fois le taux moyen constaté l’année précédente pour la même taxe soit dans l’ensemble du département, soit au niveau national si le taux moyen national est plus élevé. De la même façon, afin d’empêcher les collectivités de faire peser le poids de la fiscalité locale sur une catégorie particulière de contribuables, la loi encadrait la variation des taux : variation identique des taux des quatre taxes ou variation libre des taux des deux taxes foncières et de la taxe d’habitation sans que le taux de la taxe professionnelle ne puisse excéder un taux plafond.
4 – Des impôts en voie d’effacement : la question du pouvoir fiscal des collectivités locales
Depuis la seconde moitié des années 1980, les dégrèvements et exonérations en matière de fiscalité locale se sont multipliés. Plus près de nous, la suppression de la taxe d’habitation pour la résidence principale décidée par les lois de finances initiales pour 2018 et 2020, ainsi que la baisse des impôts de production, c’est-à-dire des taxes composant la Contribution économique territoriale (qui a remplacé la taxe professionnelle en 2010), n’ont fait que poursuivre cette évolution.
Ces réformes ont, de manière continue, vidé de sa substance le pouvoir fiscal que les collectivités locales avaient mis tant de temps à acquérir. Elles ont, dans le même temps, conduit au renforcement des prérogatives de l’Etat en matière de financement des collectivités locales. Leurs ressources sont, en effet, très dépendantes des dotations qu’il leurs attribue et de la part d’impôts nationaux qu’il leurs transfère.
B – Les quatre impôts directs locaux
Les impôts directs locaux se composent de la taxe foncière sur les propriétés bâties (1), de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (2), de la taxe d’habitation (3) et de la contribution économique territoriale – CET (4).
Ces quatre taxes sont très dépendantes d’une assiette immobilière. En effet, les deux taxes foncières, la taxe d’habitation et la cotisation foncière des entreprises (une composante de la CET) frappent la valeur locative du local en cause. Pendant de longues années , ces valeurs n’ont pas été révisées, ce qui a engendré une distorsion par rapport aux valeurs du marché et, par suite, des inégalités entre les contribuables. Pour remédier à cela, il a été procédé à des actualisations par application d’un coefficient national. Mais, cette mesure s’est avérée insuffisante. Aussi, une révision des valeurs locatives des locaux professionnels (hors locaux industriels) a été mise en place à compter de 2017 en matière de taxe foncière, de taxe d'enlèvement des ordures ménagères et de cotisation foncière des entreprises et à compter de 2018 en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Une réforme des valeurs locatives des locaux d’habitation a, par ailleurs, été décidée par la loi de finances pour 2020 et devrait être mise en application en 2026.
1 – La taxe foncière sur les propriétés bâties
Cette taxe est due par les personnes physiques ou morales propriétaires, au 1° janvier de l’année d’imposition, d’un immeuble bâti. Sa base d’imposition est constituée par la valeur locative dudit bien, diminuée d’un abattement de 50 %. Son montant est obtenu en appliquant le taux voté par la collectivité à la base d’imposition ainsi calculée.
Depuis 2010, le produit de cet impôt revenait aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et aux départements. Avec la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale, cette taxe est affectée différemment. Ainsi, à compter de 2021, les départements et les intercommunalités perdent le bénéfice de cette taxe : en compensation, une fraction du produit de la TVA leurs est transférée. Les communes restent les seules bénéficiaires de cet impôt, ce qui permet de compenser le « manque à gagner » du fait de la suppression de la taxe d’habitation.
2 – La taxe foncière sur les propriétés non bâties
Cette taxe est due par les personnes, physiques ou morales, propriétaires, au 1° janvier de l’année d’imposition, de biens immobiliers non bâtis. Sa base d’imposition est constituée par la valeur locative dudit bien, diminuée d’un abattement de 20 %. Son montant est obtenu en appliquant le taux voté par la collectivité à la base d’imposition ainsi calculée.
Depuis la loi de finances pour 2010, le produit de cette taxe revient aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
3 – La taxe d’habitation
La taxe d’habitation est due par toute personne, physique ou morale, qui a, au 1° janvier de l’année d’imposition, la disposition ou la jouissance de locaux affectés à l’habitation, quel qu’en soit le motif (propriétaire, locataire, occupant à titre gratuit) et qu’il s’agisse de l’habitation principale ou d’une résidence secondaire.
Depuis 2011, cette taxe est recouvrée au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Toutefois, la taxe d’habitation afférente à la résidence principale est appelée à disparaître. En effet, la loi de finances pour 2018 a institué un dégrèvement de 30 % en 2018, de 65 % en 2019 et de 100 % en 2020 qui, en s’ajoutant aux exonérations existantes, a rendu non imposable environ 80 % des foyers. Par ailleurs, la loi de finances pour 2020 poursuit la suppression de cet impôt par tiers de 2021 à 2023 pour les 20 % restants. En revanche, la taxe d’habitation sur les résidences secondaires n’est pas supprimée.
4 – La contribution économique territoriale
Cette taxe a remplacé la taxe professionnelle à compter du 1° janvier 2010. Cette dernière a constitué un impôt majeur pour les collectivités locales puisqu’elle représentait, en 2009, environ 43 % du total des quatre impôts directs locaux. Toutefois, cette taxe faisait l’objet de nombreuses critiques liées, principalement, au fait qu’elle venait frapper les immobilisations et constituait, ainsi, un frein à l’investissement.
La loi de finances pour 2010 a donc « supprimé » la taxe professionnelle, mais … l’a, aussitôt, ressuscité en créant la contribution économique territoriale (CET) qui en reprend les principales dispositions. Il est donc faux de dire que « la taxe professionnelle a été supprimée ». Tout au plus peut-on admettre qu’elle a changé de nom !
La CET est composée de deux impôts : la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Y sont assujetties les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité non salariée en France.
Le CFE est perçue au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elle est assise sur la valeur locative des biens fonciers bâtis et non bâtis (comme la taxe professionnelle).
La CVAE vient frapper la valeur ajoutée produite par l’entreprise. Son produit est partagé entre les communes et leurs groupements, les départements et les régions (la part de ces dernières est, toutefois, supprimée à compter de 2021).
II – Les impôt indirects locaux
La fiscalité indirecte locale se compose d’une multitude de taxes. Il est possible d’en dresser une liste non exhaustive par collectivité.
Ainsi, les communes et leurs groupements perçoivent la taxe d’aménagement qui est établie sur les opérations immobilières nécessitant une autorisation d’urbanisme ou, encore, la taxe locale sur la publicité qui a pour assiette les dispositifs publicitaires (enseignes, pré-enseignes et autres dispositifs). Les communes sont, également, les bénéficiaires d’autres taxes : la taxe communale additionnelle aux droits de mutation, le droit de licence sur les débits de boisson, la taxe sur la consommation finale d’électricité ou bien la taxe de séjour.
Les départements perçoivent les droits d’enregistrement exigibles sur les mutations à titre onéreux d’immeubles ou de droits immobiliers, la taxe d’aménagement, la taxe sur la consommation finale d’électricité, la taxe sur les conventions d’assurance ou, encore, une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
Enfin, les régions reçoivent le produit de la taxe sur les cartes grises, ainsi qu’une part du produit de la TICPE.
