Introduction
La Cotisation foncière des entreprises (CFE) est un impôt direct local. Il s’agit, plus précisément, avec la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de l’une des composantes de la Contribution économique territoriale (CET) qui a remplacé, à compter du 1° janvier 2010, l’ancienne taxe professionnelle (TP). La CFE reprend, néanmoins, l’essentiel des mécanismes de la TP.
La CFE est, ainsi, une taxe due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale, qui exercent en France à titre habituel une activité professionnelle non salariée sous réserve de certaines exonérations. Sa base d’imposition est constituée par la valeur locative des biens, situés en France, passibles d’une taxe foncière (sur les propriétés bâties et non bâties) dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle à l’expiration de la période de référence. Enfin, l’établissement de son montant et son paiement obéissent à des règles propres.
Il convient, donc, d’étudier le champ d’application de la CFE (I), la base d’imposition de la CFE (II) et l’établissement de la CFE (III).
I – Le champ d'application de la CFE
Au terme de l'article 1447 - I du CGI, « la cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. » Il convient, donc, d’analyser les activités et personnes imposables d’une part (A) et les cas d’exonération d’autre part (B).
A – Les activités et personnes imposables
Sont imposables à la CFE certaines activités (1) et certaines personnes (2).
1 – Les activités imposables
Pour qu’une activité soit imposable à la CFE, quatre conditions doivent être remplies.
a / L’activité doit être exercée à titre habituel : les opérations doivent, ainsi, être réalisées de manière répétitive, ce qui exclue les opérations ponctuelles ou exceptionnelles ; cette condition s’apprécie en fonction du nombre d’opérations effectuées, de la durée de l’activité et de l’importance du chiffre d’affaires ; elle demeure remplie dans l’hypothèse d’une activité saisonnière ou intermittente, dès lors que le nombre et l’importance des actes effectuées caractérisent l’exercice habituel d’une profession.
b / L’activité doit être exercée à titre professionnel : en d’autres termes, elle doit viser un but lucratif, ce qui exclut :
- les personnes qui se bornent à gérer leur patrimoine privé,
- les organismes sans but lucratif, tels que les associations loi 1901 : présentent cette qualité les organismes dont la gestion est désintéressée, dont l’activité ne concurrence pas le secteur commercial et qui n’entretiennent pas de relations privilégiées avec des entreprises du secteur marchand ; ces organismes restent en dehors du champ d’application de la CFE même s’ils exercent une activité lucrative en plus de leur activité principale, dès lors que celle-ci est accessoire (recettes inférieures à un certain seuil).
c / L’activité doit être non salariée : cela signifie qu’elle ne doit pas être exercée dans un état de subordination ; cela exclut les titulaires de traitements et salaires au sens de l’impôt sur le revenu ; mais, les titulaires de revenus non commerciaux ayant opté pour le régime fiscal des salariés au regard du même impôt (par exemple, les agents généraux d’assurance) demeurent imposables à la CFE.
d / L’activité doit être exercée en France : la CFE est, en effet, due par les personnes, quelle que soit leur nationalité, qui exercent une activité professionnelle en France ; elle n’est pas due à raison des activités qui ne sont assujetties ni à l’impôt sur les sociétés ni à l’impôt sur le revenu à raison des règles propres à ces impôts.
2 – Les personnes imposables
La CFE est due par les personnes physiques (exploitants individuels, professions libérales) ou morales (de droit privé ou, uniquement pour leurs activités commerciales, de droit public) ou par les sociétés non dotées de la personnalité morale (sociétés de fait et sociétés en participation) qui exercent une activité imposable à la CFE.
B – Les exonérations
Les exonérations peuvent être de plein droit (1) ou facultatives (2).
1 – Les exonérations de plein droit
Les exonérations de plein droit s’appliquent, de manière permanente, aux contribuables qui en remplissent les conditions sans qu’une délibération des collectivités bénéficiaires de la cotisation soit nécessaire et sans que ces collectivités puissent s’y opposer.
Sont, ainsi, exonérés :
a / Les artisans s’ils remplissent les conditions cumulatives suivantes :
- être une personne physique ou une EURL dont l’associé unique est une personne physique soumise au régime des sociétés de personnes,
- exercer un travail manuel prépondérant, c'est-à-dire réaliser principalement des prestations de services,
- ne pas avoir engagé un capital important,
- ne pas spéculer sur la matière première,
- travailler seul ou avec le concours d'une main d'œuvre autorisée (main-d’œuvre familiale, apprentis sous contrat, travailleurs handicapés).
b / Les exploitants agricoles, c’est-à-dire les agriculteurs proprement dits, les éleveurs, les viticulteurs ou, encore, les sylviculteurs, notamment : l’exonération concerne toutes les personnes physiques ou morales qui exercent une activité agricole ; elle s’applique, également, sous conditions, aux coopératives agricoles.
c / Les établissements d’enseignement privé sous contrat ou convention avec l’Etat.
d / Certaines activités non commerciales : les peintres, sculpteurs ou encore graveurs ne vendant que le produit de leur art, les auteurs et compositeurs, les sportifs pour la seule pratique sportive, les sages-femmes, …
e / Certaines activités industrielles ou commerciales (sous conditions) : les éditeurs de publications périodiques, les agences de presse agréées, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale, …
f / Les collectivités publiques (Etat, régions, départements, communes et leurs groupements, établissements publics) pour, d’une part, leurs activités administratives et, d’autre part, leurs activités présentant un caractère culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou touristique à condition que ces activités soient gérées directement par la collectivité ; en revanche, les collectivités publiques sont imposables pour leurs activités industrielles ou commerciales.
g / Les entreprises situées dans certaines zones territoriales faisant l’objet d’une exonération des bénéfices (bassins urbains à dynamiser, zones de développement prioritaire) : l’exonération est, ici, limitée dans le temps.
2 – Les exonérations facultatives
Les exonérations facultatives dépendent de la décision des collectivités locales bénéficiaires (communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre) : certaines sont accordées sur délibérations positives des collectivités (à prendre avant le 1° octobre d’une année pour être applicable l’année suivante), d’autres sont applicables sauf délibération contraire. Elles sont, pour la plupart, limitées dans le temps et ne peuvent, en principe, se cumuler entre elles ni avec les exonérations de plein droit (en cas d’éligibilité à plusieurs régimes, une option doit être effectuée par le contribuable).
Outre des régimes touchant des activités spécifiques (professions médicales et para-médicales implantées dans certains secteurs, entreprises de spectacles, librairies et disquaires indépendants, notamment) ces exonérations sont essentiellement motivées par deux objectifs :
- l’aménagement du territoire et la politique de la ville afin de favoriser l’implantation d’entreprises dans certains territoires rencontrant des difficultés économiques et sociales : zones d’aide à finalité régionale (AFR), bassins d’emploi à redynamiser (BER), zone de revitalisation rurale (ZRR), zones de revitalisation des commerces en milieu rural, zones de restructuration de la défense (ZRD), quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), zones de revitalisation des centres-villes, zones franches urbaines – territoires d’entrepreneurs (ZFU – TE), notamment,
- appuyer l’essor des entreprises nouvelles : entreprises créées ou reprises qui bénéficient d’une exonération des bénéfices, jeunes entreprises innovantes.
II – La base d'imposition de la CFE
La base d’imposition de la CFE est constituée par la valeur locative des biens, situés en France, passibles d’une taxe foncière dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle à l’expiration de la période de référence.
a / La période de référence correspond à l’avant-dernière année précédant celle de l’imposition ou au dernier exercice de 12 mois clos au cours de cette même année s’il ne coïncide pas avec l’année civile : ainsi, dans l’hypothèse d’un exercice qui coïncide avec l’année civile, il conviendra de prendre en compte les immobilisations de 2022 pour l’établissement de la CFE de 2024.
b / Les biens doivent être à la disposition du redevable à l’expiration de la période de référence : les biens doivent, donc, être placés sous son contrôle, qu’ils lui appartiennent, qu’ils soient loués ou pris en crédit-bail ou utilisés à titre gratuit.
c / Les biens doivent être affectés à un usage professionnel, c’est-à-dire susceptible d’être utilisés comme un instrument de travail.
d / Les biens doivent être situés en France.
e / Les biens imposables :
- sont imposables à la CFE, les biens qui entrent dans le champ d’application :
- de la taxe foncière sur les propriétés bâties : constructions proprement dites, installations foncières assimilées (installations de stockage, voies de communication, ouvrages d’art, …) et accessoires immobiliers à la construction, c’est-à-dire les aménagements faisant corps avec les constructions (plomberie, électricité, ascenseurs, …),
- de la taxe foncière sur les propriétés non bâties : terrains autres que les terrains d’assise des constructions, carrières, mines, …
- ne sont pas imposables à la CFE :
- les outillages proprement dits,
- les biens d’équipement spécialisés, c’est-à-dire les immobilisations qui sont intégrées directement et matériellement dans le processus de fabrication, de transformation ou de manutention et qui servent spécifiquement à l’exercice de l’activité professionnelle (matériels de manutention, hauts fourneaux, grosse machinerie, …).
f / La valeur locative est calculée suivant les règles fixées pour l’établissement des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties ; plusieurs méthodes sont possibles :
- méthode tarifaire pour les locaux professionnels depuis 2017 (locaux commerciaux, locaux affectés à une activité professionnelle non commerciale) : la valeur locative est calculée à partir d’une grille tarifaire fonction du marché locatif et dans laquelle les locaux sont classés en fonction de leur nature et de leur usage,
- principalement méthode comptable pour les établissements industriels : cette méthode s’applique lorsque les bâtiments et terrains industriels figurent à l’actif de leur propriétaire ou de leur exploitant et que celui-ci est soumis à l’impôt sur les bénéfices selon un régime réel ; depuis 2020, elle est, cependant, exclue et la méthode tarifaire s’applique lorsque la valeur des installations techniques, matériels et outillages ne dépasse pas un montant de 500 000 € ; la valeur locative est ici égale à une quote-part du prix de revient du bien à laquelle on applique un coefficient de revalorisation amalgamé et un abattement de 30 %.
III - L'établissement de la CFE
La CFE présente certains caractères (1). Son calcul (2) et son paiement (3) obéissent à des règles particulières.
A – Les caractères de la CFE
Trois points doivent retenir l’attention.
a / Le lieu d’imposition : la CFE est établie dans chaque commune où le contribuable dispose de locaux ou de terrains ; en conséquence, lorsqu’une entreprise dispose de locaux ou de terrains dans plusieurs communes, elle est imposable sur la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière dans chaque commune où ces biens sont situés.
b / L’annualité de la CFE : la CFE est, en principe, due pour l’année entière par le redevable qui exerce l’activité au 1° janvier ; des mesures spécifiques s’appliquent, cependant, à certaines situations particulières (changement d’exploitant, création d’établissement, extension d’établissement, cessation d’activité).
c / Les obligations déclaratives : les redevables de la CFE sont tenus de souscrire deux types de déclarations :
- une déclaration n° 1447 C (dite initiale) en cas de création d’établissement ou de changement d’exploitant,
- une déclaration n° 1447 M (dite modificative) dans les cas où, au cours de la période de référence, soit la consistance des locaux a varié, soit un quelconque des éléments de la déclaration précédente a été modifié (notamment, la surface du local), soit le redevable demande le bénéfice d’une exonération facultative, soit le prorata de la base imposable, en cas d’exercice conjoint d’une activité imposable et d’une activité non imposable, est modifié.
B – Le montant de la CFE
Le montant de la CFE s’obtient en multipliant la base d’imposition par les taux d’imposition votés par les collectivités. Ce montant est susceptible d’être affecté par certaines mesures.
a / La cotisation minimum : les redevables de la CFE sont assujettis à une cotisation minimum établie au lieu de leur principal établissement et calculée à partir d’une base dont le montant est fixé par la collectivité selon un barème qui est revalorisé chaque année comme le taux prévisionnel d’évolution des prix.
b / Le dégrèvement pour diminution des bases d’imposition : les entreprises dont les bases d’imposition à la CFE diminuent entre l’année de référence (N - 2) et l’année précédant celle de l’imposition (N – 1) bénéficient, sur leur demande, d’un dégrèvement correspondant à la différence entre les bases afférentes à ces deux années.
c / Les taxes annexes viennent s’ajouter à la CFE : il s’agit de la Taxe pour frais de Chambre de commerce et d’industrie et de la Taxe pour frais de Chambre des métiers et de l’artisanat ; l’Etat perçoit, de son côté, des frais de gestion.
C - Le paiement de la CFE
La CFE est perçue par voie de rôle. Ainsi, dans chaque commune où ils sont imposables, les redevables sont informés par un avis d’imposition dématérialisé du montant à payer et des conditions d’exigibilité de l’impôt.
Trois régimes de paiement existent :
- paiement annuel : les redevables, dont la CFE de N – 1 est inférieure à 3 000 €, paie la cotisation en une seule fois au plus tard le 15 décembre,
- paiement d’un acompte : les redevables dont la CFE de l’année précédente a été au moins de 3 000 € sont tenus de verser un acompte égal à 50 % du montant de cette cotisation (à régler au plus tard le 15 juin) ; cet acompte vient, ensuite, s’imputer sur le montant de l’impôt finalement dû et le solde est à régler avant le 15 décembre,
- paiement mensuel : sur option et quel que soit le montant de la CFE, les redevables peuvent opter pour un système de mensualisation qui s’opère par 10 prélèvements automatiques du mois de janvier au mois d’octobre avec une régularisation au vu de l’avis d’imposition.
