Introduction

La Seconde Guerre mondiale a durement frappé l’Europe et apparaît sans nul doute comme l’un des conflits les plus inhumains du XXe siècle. Les violences, les discriminations et l’extermination de civils dans les « camps de la mort » en témoignent aisément. Une fois libérés, plusieurs États européens ont souhaité renforcer leurs liens et coopérations avec pour objectif premier d’assurer un dialogue de paix entre les nations du vieux continent.

Le Traité de Londres (5 mai 1949) entame la démarche autour de dix pays d’Europe de l’Ouest : le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, la Belgique, le Danemark, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Rapidement, l’Allemagne, l’Islande, la Turquie et la Grèce ont rejoint la démarche. Progressivement et plus récemment encore, d’autres pays ont adhéré au Conseil de l’Europe, notamment après la chute de l’URSS.

Dans l’introduction du Traité de Londres, les États ne manquent pas d’évoquer l’état d’esprit de cette démarche coopérative autour d’un certain nombre de valeurs : « consolidation de la paix », « valeurs spirituelles et morales », « progrès social et économique ». Symbole fort de la réconciliation entre les peuples d’Europe, le siège du Conseil est fixé à Strasbourg (art. 11 du traité), dans ce territoire alsacien qui a souffert de trois conflits entre 1870 et 1945.

Pour tendre vers ces objectifs, le Traité de Londres a entrepris la mise en place d’une organisation méticuleuse et structurelle du Conseil de l’Europe. Il convient d’évoquer l’organisation fonctionnelle et politique du Conseil (I), avant de s’intéresser à l’essence aujourd’hui profondément juridictionnelle de cette organisation (II).

I - Une organisation fonctionnelle et politique du Conseil de l'Europe

Au sein du Conseil de l’Europe, plusieurs organes permettent une véritable représentation des Etats membres (A), tandis que d’autres organes politiques ou administratifs viennent en soutien aux missions et objectifs du Conseil (B).

A - La représentation politique des États membres

Les États membres du Conseil de l’Europe sont principalement représentés à travers deux organes politiques : l’assemblée parlementaire (1) et le « Comité ministériel » (2).

1 - L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

L’article 22 du traité précise que « l'Assemblée Consultative est l'organe délibérant du Conseil de l'Europe ». Souvent nommée « Assemblée parlementaire » malgré l’emploi d’un autre vocable dans le traité, elle permet la représentation des États membres puisque ces derniers désignent les membres à travers leur représentation nationale. L’assemblée est ainsi « composée de représentants de chaque membre, élus par son parlement en son sein ou désignés parmi les membres du parlement selon une procédure fixée par celui-ci » (art. 25). Une répartition proportionnelle est effectuée en fonction de la population officielle de chaque État membre et de la composition politique des assemblées, pour un total de 306 représentants (et 306 suppléants). La France compte, par exemple, 18 membres, contre 12 membres pour l’Ukraine ou 3 membres pour le Luxembourg. Cette répartition est clairement précisée à l’article 26.

2 - Le Comité ministériel du Conseil de l’Europe

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe comprend un représentant par État membre, disposant chacun d’une voix. Il s’agit généralement des ministres des Affaires étrangères de chaque État ou, le cas échéant, d’un autre membre du gouvernement. L’article 13 du traité prévoit que « le Comité des ministres examine, sur recommandation de l'Assemblée Consultative ou de sa propre initiative, les mesures propres à réaliser le but du Conseil de l'Europe, y compris la conclusion de conventions et d'accords et l'adoption par les gouvernements d'une politique commune à l'égard de questions déterminées. Ses conclusions sont communiquées par le Secrétaire Général aux membres. Les conclusions du Comité des ministres peuvent, s'il y a lieu, revêtir la forme de recommandations aux gouvernements. Le Comité peut inviter ceux-ci à lui faire connaître la suite donnée par eux auxdites recommandations ». Le fonctionnement quotidien du Conseil, ainsi que les règles de votes sont fixés par son règlement intérieur et les articles 16 à 21 du traité.

B - Des organes de soutien aux missions du Conseil de l'Europe

Plusieurs organes permettent de soutenir les travaux et missions du Conseil de l’Europe, notamment le secrétariat général (1) et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (2).

1 - Le secrétariat général

Les articles 36 et 37 du traité prévoient les modalités d’organisation du secrétariat général. Composé du secrétaire général, d’un adjoint et de personnel administratif, il est « responsable de l'activité du Secrétariat devant le Comité des ministres. Il fournit notamment à l'Assemblée Consultative, (…) les services administratifs et autres dont elle peut avoir besoin ». Le secrétaire général et son adjoint sont nommés par l’Assemblée consultative sur recommandation du Comité des ministres, pour un mandat de 5 ans renouvelable. Une certaine « neutralité » des membres du secrétariat apparait primordiale puisqu’aucun « membre (…) ne peut détenir un emploi rémunéré par un gouvernement, être membre de l'Assemblée Consultative ou d'un parlement national, ou remplir des occupations incompatibles avec ses devoirs » (art. 36 d.).

En plus d’apporter son concours aux travaux des institutions du Conseil de l’Europe, le Secrétariat général participe à la gestion de son budget largement composé de la participation des États membres.

2 - Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est créé en 1994 et remplace la « Conférence des pouvoirs locaux » qui se réunissait annuellement depuis 1957. Il permet de représenter les collectivités territoriales et autorités locales au sein d’une assemblée politique réunissant une représentation locale de l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe. Les travaux menés permettent d’associer ainsi les territoires locaux aux réflexions du Conseil. 

Il se réunit au moins deux fois par an, à Strasbourg, et s’intéresse notamment à l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale qui protège les droits des collectivités territoriales. Le Congrès est également un important observateur des scrutins locaux et régionaux dans l’ensemble des États membres. Enfin, le Congrès travaille sur différents ateliers thématiques et mène des coopérations régulières entre les collectivités territoriales de divers États membres.

II - Une organisation européenne à l'essence juridictionnelle

L’organisation juridictionnelle du Conseil de l’Europe s’appuie sur un texte fondamental, la CESDH (A) et sur une juridiction : la Cour européenne des droits de l’Homme – CEDH (B).

A - La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés (CESDH) : un texte fondamental

Dès le début des années 1950, le Conseil de l’Europe s’appuie sur la CESDH (1). Une Convention enrichie aujourd’hui progressivement par toute une série de protocoles (2).

1 - La CESDH adoptée au début des années 1950

Comme le rappelle le Pr. Jean-François Renucci, la Convention « apparait comme l’un des moyens d’atteindre les buts du Conseil de l’Europe en contribuant au maintien du caractère démocratique des États membres » (J.-F. Renucci, Droit européen des droits de l’Homme, 8e Ed., LGDJ, 2019, p. 17). Si le traité de Londres entame la démarche en 1949, la CESDH est signée par les premiers États membres en novembre 1950, pour une entrée en vigueur en 1953. La Convention prévoit toute une série de droits et proclamations en matière de droits de l’Homme et de libertés fondamentales. La France a mis un certain temps à ratifier la Convention après sa signature, puisque ce n’est qu’en 1974, durant la présidence provisoire d’Alain Poher, ancien président du Sénat, que la ratification a enfin lieu. L’objectif affiché très tôt par les États membres est avant tout de permettre aux citoyens des États membres de saisir une juridiction qui veillera au respect des droits et libertés figurant dans cette Convention.

Mais la Convention « de base » se doit d’évoluer pour s’adapter aux réalités européennes et élargir la protection des droits et libertés. Cette évolution s’effectue notamment à travers toute une série de protocoles.

2 - L’évolution de la CESDH : l’adaptation du texte via des protocoles

Plusieurs protocoles (notamment n°3, 5, puis 11) sont venus, tout d’abord, amender le texte de la Convention adoptée au début des années 1950. Il s’agissait d’enrichir et d’adapter légèrement ce texte fondateur pour y intégrer notamment la juridiction chargée de connaitre les recours des citoyens des États membres. Ces protocoles ont été ratifiés par l’ensemble des États membres, assurant ainsi leur validité.

Par la suite, des protocoles additionnels sont également venus consacrer de nouveaux droits et libertés que le texte n’avait pas pris soin de protéger au début des années 1950. Ces protocoles prennent en compte des problématiques plus contemporaines. Les protocoles en question sont ratifiés au « cas par cas » par les États membres selon leur volonté. Il s’agit, par exemple, de l’interdiction de la peine de mort en temps de paix ou encore de la lutte contre les discriminations.  D’autres textes viennent également compléter le travail du Conseil de l’Europe tels que la Charte de l’autonomie locale mentionnée précédemment ou la Charte sociale européenne.

L’important est qu’une juridiction veille au respect de l’ensemble de ces textes.

B - Un véritable système juridictionnel de protection : la CEDH

La CEDH, véritable institution juridictionnelle visant à veiller au respect de la Convention, s’est mise en place un peu plus tardivement (1). Elle est aujourd’hui une juridiction à la jurisprudence considérablement fournie (2).

1 - La mise en place plus tardive de la CEDH

La Cour européenne des droits de l’Homme est instituée quelques années après le traité de Londres et la signature de la Convention. C’est en 1959 que la CEDH s’installe au siège du Conseil de l’Europe à Strasbourg, puis dans un bâtiment voisin à la fin des années 1998. Elle est tout d’abord une juridiction plutôt « timide », en ce qu’elle se réunit quelques fois dans l’année et publie peu de jurisprudence.

La généralisation d’un droit de saisine de la Cour par les États membres – de plus en plus nombreux – et les ratifications des différents textes marque un véritable enrichissement du travail de la Cour. La Cour peut également être saisie par les citoyens de chaque État membre s’estimant lésés et ayant épuisé les voies de recours internes, ce qui n’est pas négligeable.

2 - Une juridiction aujourd’hui considérable

Aujourd’hui, la CEDH est devenue une véritable juridiction internationale qui siège quotidiennement et rend des centaines d’arrêts chaque année. La Cour se compose de 46 juges, correspondant à un par État membre, élu par l’Assemblée pour un mandat de 9 ans non renouvelable. Il s’agit, par exemple, pour la France d’un spécialiste du droit public et international, le Professeur Mattias Guyomar.

Les États membres qui ne respectent pas la Convention et les protocoles ratifiés sont ainsi régulièrement sanctionnés par la jurisprudence de la Cour. Cette jurisprudence constate les violations, condamne les États membres à des amendes et entraine des évolutions notables des législations et jurisprudences internes. C’est, par exemple, sous l’impulsion de la jurisprudence de la CEDH appelant à garantir le droit à un procès équitable que le juge administratif a fait évoluer sa jurisprudence sur les mesures d’ordre intérieur qui demeuraient insusceptibles de recours. Progressivement, le juge administratif a réduit cette catégorie d’actes administratifs pour permettre aux justiciables de les contester.