La responsabilité sans faute est probablement l’une des spécificités les plus remarquables de la responsabilité administrative. Elle peut se fonder soit sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques, soit sur le risque. Dans cette dernière hypothèse, il existe quatre variétés de responsabilité : la responsabilité pour risque spécial de dommage, celle au profit des tiers victimes d’accidents de travaux publics, la responsabilité au profit des  collaborateurs occasionnels du service public, et, enfin, la responsabilité de l’Etat du fait des attroupements et rassemblements. C’est cette dernière hypothèse qui est en cause dans l’arrêt étudié.

Dans cette affaire, plusieurs dizaines de jeunes se sont vus refusés l’entrée d’une discothèque lors de la nuit de la Saint-Sylvestre, en raison de leurs origines. Des heurts s’en sont suivis et la discothèque a été saccagée. Le gérant et la compagnie d’assurances ont essayé de mettre en cause la responsabilité de l’Etat du fait des attroupements. Mais, leur demande a été rejeté par le préfet de la Côte-d’Or. Ils ont, alors, saisis le tribunal administratif de Dijon qui a rejeté leur demande le 29 mars 1994. Un appel a été intenté devant la cour administrative d’appel de Lyon qui a, le 17 septembre 1998, confirmé la solution des premiers juges. Les requérants se sont donc pourvus en cassation devant le Conseil d’Etat. Celui-ci a reconnu la responsabilité de l’Etat du fait des attroupements.

N’ayant pu relever aucune faute à la charge du service de police, c’est sur  la base de la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des attroupements que les requérants ont décidé d’exercer leurs poursuites. Ce type de responsabilité existe depuis près de deux siècles. A l’origine à la charge des communes, cette responsabilité a été transférée à l’Etat . Concrètement, il s’agit de faire assumer par la collectivité les dommages causés par des attroupements ou des rassemblements. La jurisprudence apprécie de façon stricte la notion d’attroupement. C’est de sa concrétisation dans une affaire que dépend l’application de ce régime de responsabilité. Dans cette espèce, le Conseil d’Etat reconnaît l’existence d’un rassemblement alors même que celui-ci n’avait pas de but protestataire. C’est là l’apport majeur de cet arrêt. Pour que ce régime s’applique, il faut, de plus, que les actes dommageables soient constitutifs de crimes ou de délits. Si ces deux conditions sont remplies, la responsabilité de l’Etat est engagée.  Elle peut, cependant, être atténuée si une faute est imputable à la victime, ce qui est le cas dans cette affaire.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les fondements possibles de la responsabilité de l’Etat (I), et d’analyser, dans une seconde partie, l’engagement de la responsabilité de l’Etat (II).

  • I – Les fondements possibles de la responsabilité de l’Etat
    • A – L’absence de faute du service de police
    • B – La responsabilité de l’Etat du fait des attroupements et rassemblements
  • II – L’engagement de la responsabilité de l’Etat
    • A – Les conditions de l’engagement
    • B- Les causes exonératoires
  • CE, 13/12/2002, Compagnie d’assurances Les Lloyd’s de Londres

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