Les conventions internationales ont pris une place croissante dans les sources de la légalité en droit administratif. La Constitution de 1958 leur reconnaît, ainsi, une autorité supérieure à celle des lois. Il était donc logique que la jurisprudence administrative appréhende ce phénomène en reconnaissant une responsabilité sans faute de l’Etat lorsqu’une telle convention cause un préjudice à un administré. C’est ce que fait le Conseil d’Etat en l’espèce.

Dans cette affaire, la Compagnie générale d’énergie radio-électrique était propriétaire des locaux et des installations de radiodiffusion du « Poste parisien » qui ont été utilisés par les allemands pendant toute l’Occupation. Après la guerre, elle demanda à l’Etat réparation du préjudice que lui avaient causé la privation de jouissance des locaux ainsi réquisitionnés et l’arrêt d’exploitation de ses installations. Mais, le préfet de la Seine lui opposa un refus par une décision du 4 octobre 1950. La société saisit alors le tribunal administratif de Paris qui rejeta, toutefois, sa requête le 6 janvier 1960. La société fait donc appel de ce jugement devant le Conseil d’Etat qui, le 30 mars 1966, par un arrêt d’assemblée, rejette également son recours.

La société invoquait, en premier lieu, la loi du 30 avril 1946 relative aux réclamations nées à l’occasion des réquisitions allemandes en matière de logement et de cantonnement. Mais, le Conseil d’Etat juge que le préjudice subi par la société n’entre pas dans le champ d’application de cette loi. La compagnie se basait, en second lieu, sur la Convention de La Haye du 18 octobre 1907 qui prévoit que « tous les moyens affectés … à la transmission des nouvelles … peuvent être saisis même s’ils appartiennent à des personnes privées, mais devront être restitués et les indemnités réglées à la paix ». La société tenait, donc, sur la base de ce texte, une créance à l’égard de l’Allemagne. Toutefois, différents accords avaient été signés entre les alliés et l’Allemagne, par lesquels étaient différés jusqu’au règlement définitif du problème des réparations l’examen des créances détenues sur l’Allemagne. Ces accords avaient, donc, pour conséquence de différer le paiement par l’Allemagne de la créance détenue par la Compagnie générale d’énergie radio-électrique à son égard. Aussi, cette dernière estimait qu’elle subissait, de ce fait, un préjudice et que celui-ci devait être réparé sur la base du principe d’égalité devant les charges publiques.

Le préjudice invoqué en l’espèce tenait donc au retard du paiement de la créance que la société détenait à l’égard de l’Allemagne. Or, ce retard était dû à la signature d’accords entre les alliés et l’Allemagne. Si le Conseil d’Etat rejette le recours, il ne le fait, toutefois, qu’après avoir admis la possibilité d’engager la responsabilité de l’Etat lorsqu’une convention internationale cause un préjudice. Il s’agit, là, d’un régime de responsabilité sans faute fondé sur le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques, identique à ceux qui ont été consacrés pour les décisions administratives régulières et les lois. Ce mécanisme obéit aux mêmes conditions, dont celles qui veulent que le préjudice soit grave et spécial. C’est cette dernière condition qui n’est pas remplie en l’espèce, justifiant le rejet du recours.

Il convient, donc, d’analyser, dans une première partie, les principes de la jurisprudence Cie d’énergie radio-électrique (I) et d’analyser, dans une seconde partie, ses conditions d’application (II).

  • I – Les principes de la jurisprudence Cie d’énergie radio-électrique
    • A – Une irresponsabilité totale de l’Etat du fait des conventions internationales jadis
    • B – Une consécration de la responsabilité sans faute du fait des conventions internationales
  • II – Les conditions d’application de la jurisprudence Cie d’énergie radio-électrique
    • A – Des conditions tenant aux conventions internationales
    • B – Des conditions tenant à l’anormalité du préjudice
  • CE, ass., 30/03/1966, Compagnie générale d’énergie radio-électrique

Télécharger