Longtemps, le Conseil d'Etat aura posé l'impossibilité d'engager la ressponsabilité de l'Etat dans les affaires portant sur la déportation de personnes juives durant l'Occupation. La seule façon d'etre indemnisé consistait, alors, dans les différents mécanismes d'indemnisation mis en place par des lois. Il faudra attendre 2002 et l'arret Papon  (CE, ass., 12/04/2002) pour que la Haute juridiction accepte de reconnaitre que les agissements de l'Etat présentaient un caractère fautif susceptible d'engager sa responsabilité. Le présent avis vient compléter cet arret de principe.

L'affaire est simple. Mme. Hoffman-Glemane saisit le tribunal administratif de Paris d'une demande de réparation du préjudice subi par son père déporté à Auschwitz et par elle-meme. Constatant que l'engagement de la responsabilité de l'Etat dans ce type d'affaire soulève des questions juridiques  complexes, le tribunal administratif de Paris sursoit à statuer et renvoie l'affaire devant le Conseil d'Etat pour avis. Il s’agit là de la procédure instituée par l’article 12 de la loi du 31 décembre 1987 et qui permet aux juridictions subordonnées de saisir la Haute juridiction sur « une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges ».  L’avis du Conseil d’Etat n’a pas l’autorité de la chose jugée, mais il lui permet de « dire le droit » sans attendre que les affaires remontent jusqu’à lui par la voie contentieuse traditionnelle. En clair, il s’agit d’améliorer la qualité et la rapidité de la justice administrative. Le 16 Février 2009, le Conseil d'Etat, en assemblée, rend son avis.

Par cet avis, le juge administratif confirme l'abandon du dogme de l'iiresponsabilité de l'Etat du fait de la déportation de personnes juives durant l'Occupation, opéré par l'arret Papon. En effet, avant 2002, le juge administratif considérait que les actes du Gouvernement de Vichy ayant été déclaré nuls, la responsabilité de l'Etat ne pouvait etre engagée dans ce type d'affaires. Il faudra attendre 2002 pour que la Haute cour reconnaisse la caractère fautif des actes de l'Etat et engage sur cette base sa responsabilité. De ce point de vue, l'avis n'innove pas, sauf sur un point : le Conseil d'Etat condamne, de façon solennelle, la gravité des actes commis. La question de la réparation des préjudices ainsi causés recèle, en revanche, une innovation remarquable. Le Conseil d'Etat fait, d'abord, état de la répération financière classique des préjudices matériels et moraux, en jugeant que les différents mécanismes d'indemnisation ont procédé aux réparations nécessaires. Mais, le juge administratif conclue son avis en disposant que la gravité des souffrances endurées par les personnes juives appelle une reconnaissance solennelle de la part de l'Etat. Là encore, il estime que les actes nécessaires ont été effectués par les autorités de l'Etat.

Il convient donc d'étudier, dans une première partie, le caractère fautif de la déportation de personnes juives durant l'Occupation par l'Etat (I), puis d'analyser, dans une seconde partie, la double réparation instituée par cet avis (II).

  • I – La déportation de personnes juives constitue une faute de l'Etat de nature à engager sa responsabilité
    • A – Une lente reconnaissance de la responsabilité de l'Etat
    • B – La consécration de la responsabilité de l'Etat pour déportation
  • II – La double réparation des victimes de persécutions antisémites
    • A – Une réparation individuelle classique
    • B- Une réparation symbolique du préjudice collectif
  • CE, avis, 16/02/2009, Mme. Hoffman Glemane

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