Pendant longtemps, le Conseil d’Etat refusait, à propos des persécutions antisémites commises durant l’Occupation, de reconnaître à la charge de l’Etat une faute de nature à engager sa responsabilité. Il faudra attendre l'arrêt Papon rendu en assemblée en 2002 par la Haute juridiction pour que cette position soit abandonnée. Le présent avis vient compléter cet arrêt de principe.

Dans cette affaire, Mme Hoffman-Glemane saisit le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à lui verser la somme de 200 000 € en réparation du préjudice subi par son père du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation, et la somme de 80 000 € au titre du préjudice qu'elle a subi. Constatant que l'engagement de la responsabilité de l'Etat dans ce type d'affaire soulève des questions juridiques complexes, le tribunal sursoit à statuer et renvoie l'affaire devant le Conseil d'Etat pour avis. Il s’agit là de la procédure instituée par l’article 12 de la loi du 31 décembre 1987 qui permet aux juridictions subordonnées de saisir la Haute juridiction d’ « une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges ». L’avis du Conseil d’Etat n’a pas l’autorité de la chose jugée, mais il lui permet de « dire le droit » sans attendre que les affaires lui soient transmises par la voie contentieuse ordinaire. Le 16 février 2009, le Conseil d'Etat rend, en assemblée, son avis.

Par cet avis, le juge administratif suprême confirme, d’abord, l'abandon, opéré par l’arrêt Papon, du dogme de l'irresponsabilité de l'Etat du fait de la déportation de personnes de confession juive durant l'Occupation. De ce point de vue, l'avis n'innove pas, sauf sur un point : le Conseil d'Etat prend soin de mettre en exergue la violation des principes républicains par les différents agissements ayant conduit à la déportation. La nouveauté principale concerne la réparation qu’il convient d’apporter aux victimes des persécutions antisémites. Le juge administratif décide, en effet, qu’outre la réparation financière qu’ont permis différents mécanismes d’indemnisation, les souffrances endurées par les personnes déportées et leur famille appellent une reconnaissance solennelle de la part des autorités de l’Etat.

Il convient, donc, d'étudier, dans une première partie, la faute de l’Etat dans la déportation de personnes de confession juive durant l'Occupation (I) et d'analyser, dans une seconde partie, la double dimension des réparations qu’il convient d’apporter aux victimes de persécutions antisémites (II).

  • I – La déportation de personnes de confession juive constitue une faute de l'Etat de nature à engager sa responsabilité
    • A – Une tardive reconnaissance de la responsabilité de l'Etat
    • B – La reconnaissance solennelle de la responsabilité de l'Etat
  • II – La double dimension des réparations à apporter aux victimes de persécutions antisémites
    • A – Une réparation financière des préjudices effectuée « autant qu’il a été possible »
    • B - Une reconnaissance solennelle par les autorités de l’Etat des persécutions antisémites commises sous l’Occupation
  • CE, avis, 16/02/2009, Mme Hoffman-Glemane

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