La responsabilité sans faute est probablement l’une des spécificités les plus remarquables de la responsabilité administrative. Elle peut se fonder soit sur le risque, soit sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques. Dans cette dernière hypothèse, il existe trois variétés de responsabilité : la responsabilité pour dommages permanents de travaux public, la responsabilité du fait des décisions administratives régulières, et, enfin, la responsabilité du fait des lois et conventions internationales. C’est cette dernière hypothèse qui est en cause dans l’arrêt étudié.

Dans cette affaire, l’Etat a ordonné, par décret du 16 avril 1999 et en application de la loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées, la suppression de six silos de stockage et d’installations de combustion. La coopérative agricole Ax’ion a, alors, demandé au tribunal administratif de d’Amiens la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 18 695 000 F. en réparation du préjudice subi. Celui-ci a, cependant, rejeté la requête le 20 avril 2002.  La coopérative a, alors, fait appel devant la cour administrative d’appel de Douai qui a rejeté la demande le 12 février 2004. Un pourvoi en cassation est donc intenté. Il fait l’objet d’une décision favorable de la part du Conseil d’Etat le 2 novembre 2005 qui s’appuie sur le régime de la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois, et non sur le régime s’appliquant aux décisions administratives régulières.

Cet arrêt se veut un rappel des règles classiques permettent d’engager la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois. Ainsi, en application de la jurisprudence La Fleurette, le Conseil d’Etat réitère la règle au terme de laquelle le silence du législateur doit être interprété comme ouvrant droit à indemnisation et non comme l’excluant. L’arrêt rappelle, ensuite, les deux conditions relatives au caractère que doit présenter le dommage pour être réparable, à savoir l’anormalité et la spécialité. Il se distingue, en revanche, de la jurisprudence du Conseil d’Etat en la matière par le fait que la volonté de satisfaire un intérêt général n’est plus interprété comme excluant toute indemnisation. Il y a lieu à une appréciation in concreto. La solution s’inscrit, alors, dans toute le mouvement de dévalorisation de la norme législative qui a conduit le Conseil d’Etat à admettre récemment la responsabilité de l’Etat pour violation des conventions internationales.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, le rappel des règles régissant la responsabilité sans faute du fait des lois (I), et d’analyser, dans une seconde partie, la remise en cause du caractère solennel de la loi (II).

  • I – Le rappel des règles régissant la responsabilité sans faute du fait des lois
    • A – L’absence de valeur du silence du législateur
    • B – Les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Etat
  • II – Vers la fin de l’excellence législative
    • A – La dévalorisation de la volonté du législateur
    • B- La fin du caractère solennel de la loi
  • CE, 2/11/2005, Coopérative agricole Ax’ion

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