La fin du siècle dernier a été riche en décisions rendue à propos de la responsabilité du fait des services de santé. Deux arrêts ont particulièrement marqué les esprits. Le premier est l’arrêt Epoux V (CE, ass., 10/04/1992) par lequel le Conseil d’Etat a abandonné l’exigence d’une faute lourde pour engager la responsabilité des services médicaux. Le second est l’arrêt présentement commenté : celui-ci concerne l’indemnisation de l’aléa thérapeutique.

Dans cette affaire, M. Bianchi a subi une artériographie le 3 octobre 1978 à l’hôpital de la Timone à Marseille. A la suite de cet examen, l’intéressé s’est trouvé atteint de multiples séquelles (tétraplégie aux membres inférieurs, troubles sensitifs, douleurs importantes, notamment). Il a, alors, saisi le tribunal administratif de Marseille afin d’obtenir réparation. Mais, les juges ont rejeté sa requête le 8 novembre 1984. M. Bianchi a donc fait appel de ce jugement devant le Conseil d’Etat. Par une première décision du 23 septembre 1988, la Haute juridiction a, d’une part, rejeté différents moyens invoqués et, d’autre part, ordonné une expertise à l'effet de déterminer les conditions dans lesquelles a été injecté un produit de contraste au patient préalablement à l'artériographie. Sur la base de ce rapport, le juge administratif a rendu, le 9 avril 1993 en assemblée, une seconde décision, par laquelle il a rejeté d’abord l’existence d’une faute à la charge de l’hôpital. Puis, il a reconnu que la responsabilité sans faute de ce dernier était engagée sur la base d’un aléa thérapeutique.

Avec cette décision, le Conseil d’Etat inaugure une nouvelle hypothèse de responsabilité sans faute fondée sur le risque. Traditionnellement, ce type de régime concerne l’usage de choses dangereuses, telles que les armes, ou l’emploi de méthodes dangereuses, comme les méthodes libérales de réinsertion destinées aux mineurs délinquants. La nouveauté est, ici, l’admission par le juge de la réparation des dommages d’une extrême gravité causés par un acte médical présentant un risque mais dont la réalisation est exceptionnelle. Cette jurisprudence connaîtra une postérité certaine puisque le législateur s’en inspirera en 2002 pour créer un régime de réparation de l’aléa thérapeutique fondé sur la solidarité nationale.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, la consécration de la responsabilité sans faute du fait d’un aléa thérapeutique (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la postérité de la jurisprudence Bianchi (II).

  • I – La jurisprudence Bianchi ou la consécration de la responsabilité sans faute du fait d’un aléa thérapeutique
    • A – Les principes de la jurisprudence Bianchi
    • B – L’application des principes de la jurisprudence Bianchi
  • II – La postérité de la jurisprudence Bianchi : vers un assouplissement de ses principes
    • A – Une jurisprudence applicable même sans bénéfice thérapeutique
    • B – Une jurisprudence dont s’inspire la loi du 4 mars 2002
  • CE, ass., 09/04/1993, Bianchi

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