La réinsertion des personnes ayant, pour une raison ou pour une autre, rencontré des difficultés dans leur parcours de vie est une question devenue centrale dans nos sociétés contemporaines. Les méthodes avec lesquelles ce travail est effectué ont évolué dans le sens d’une plus grande ouverture sur le monde extérieur. L’arrêt présentement commenté est l’occasion pour le Conseil d’Etat de préciser les charges que la collectivité doit assumer en contrepartie des risques que cette nouvelle façon de procéder comporte.
Dans cette affaire, une personne souffrant de troubles mentaux était soignée au centre hospitalier spécialisé de Brienne. Dans le cadre d’une mesure visant à mieux réinsérer les malades mentaux, l’intéressé a été placé dans une famille d’accueil afin d’assurer sa réadaptation progressive à des conditions normales de vie. Celui-ci a, toutefois, le 10 novembre 1980, incendié un bâtiment de l'exploitation agricole gérée par la famille d’accueil. Cette dernière a donc saisi le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne afin d’obtenir réparation de la part de l’hôpital des conséquences dommageables de cet incendie. Mais, celui-ci a rejeté leur requête le 11 févier 1983. La famille fait donc appel devant le Conseil d’Etat qui le 13 mai 1987 fait droit à sa demande.
La question centrale dans cette affaire résidait dans le fait de savoir si un hôpital psychiatrique, qui pratique des méthodes libérales de réinsertion, peut être tenu pour responsable, même en l’absence de faute de sa part, des dommages causés par les malades qui en bénéficient. Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative en se fondant sur le risque que font peser sur les tiers de telles méthodes. Cette solution n’est pas nouvelle : le juge administratif avait déjà admis la responsabilité sans faute pour risque d’un établissement utilisant des méthodes modernes de rééducation avec des mineurs délinquants.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, l’application du régime de responsabilité sans faute pour risque du fait des méthodes dangereuses au cas des malades mentaux (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les conditions d’engagement de cette responsabilité (II).
- I – Une application du régime de responsabilité pour risque du fait des méthodes dangereuses
- A – Une solution initialement consacrée à propos des mineurs délinquants
- B – Une solution aujourd’hui appliquée aux malades mentaux
- II – Les conditions d’engagement de la responsabilité pour risque du fait des méthodes dangereuses
- A – La qualité de tiers de la victime
- B – L’absence de faute de la victime
- CE, 13/05/1987, Mme Piollet