Il est des arrêts qui attestent que le juge administratif n'est pas qu'un juge du compromis, mais peut, bien plus, se révéler être un juge des principes. Par l'audace dont il fait preuve au regard de la règle qu'il énonce et par sa loyauté à l'égard de la Constitution, l’arrêt Koné se révèle être l'un de ceux-la.

Dans cette affaire, l’État français a accordé au Mali, par un décret du 17/03/1995 pris sur la base de l'accord de coopération en matière de justice conclu avec ce pays le 09/03/1962, l'extradition de M. Koné accusé de faits qualifiés par le Code pénal malien de « complicité d'atteinte aux biens publics et enrichissement illicite ». M. Koné conteste devant le Conseil d’État la légalité de ce décret au motif que son extradition a été demandée dans un but politique. Le 03/07/1996, la Haute juridiction rejette la requête en considérant que, si le moyen soulevé par l'intéressé est opérant, il n'est pas fondé en l'espèce.

Plus précisément, le Conseil d’État décide que l'accord franco-malien, qui ne prévoit pas ce motif de prohibition de l'extradition, doit être interprété « conformément au principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l’État doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique ». La lacune de la convention se voit, ainsi, neutralisée par le recours à un principe issu du préambule de la Constitution de 1946 auquel la Haute juridiction confère une nouvelle incarnation. En jugeant de la sorte, le Conseil d’État soumet, alors, la norme internationale à une exigence de conformité vis-à-vis de la norme constitutionnelle et affirme, ainsi, la primauté de la seconde sur la première.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, la consécration par le Conseil d’État d'un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République (I) et d'analyser, dans une seconde partie, la primauté, ainsi, affirmée de la Constitution sur le droit international (II).

  • I – La consécration d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République
    • A – Le principe fondamental prohibant l'extradition demandée dans un but politique
    • B – Un Conseil d’État qui se fait trouvère des principes fondamentaux
  • II – Le constat de la primauté de la Constitution sur le droit international
    • A – Un principe affirmé en deux temps
    • B – Un principe en accord avec le cadre constitutionnel français
  • CE, ass., 03/07/1996, Mr. Koné

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