Le droit international joue, dans les sociétés contemporaines, un rôle majeur pour pacifier les relations entre Etats et garantir les droits des citoyens. Afin de lui accorder toute sa place en droit interne, la Constitution de 1958 a prévu, en son article 55, que les traités internationaux ont une autorité supérieure à celle des lois. Ce principe de primauté trouve, en l’espèce, une application des plus didactiques.

Dans cette affaire, le ministre de la santé a pris le 28/12/1988 un arrêté relatif à la détention, la distribution, la dispensation et l’administration d’une substance abortive, la Mifégyne 200 mg. Plusieurs associations, la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC), le Comité pour sauver l’enfant à naître, l’Union féminine pour le respect et l’aide à la maternité, ainsi qu’un particulier, ont saisi le Conseil d’Etat afin qu’il annule cet arrêté. Le 21/12/1990, par un arrêt d’assemblée, la Haute juridiction a rejeté ces requêtes.

Outre des moyens de tenant, notamment, à la légalité externe de l’arrêté, les requérants se sont principalement fondés sur la violation par celui-ci des lois IVG (interruption volontaire de grossesse) du 17/01/1975 et du 31/12/1979, du préambule de la Constitution de 1946 (auquel fait référence le préambule de la Constitution de 1958) et de trois traités internationaux, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), le Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) et la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH).

Le premier moyen est rapidement écarté en raison de l’absence de violation par l’arrêté des lois IVG, mais il se révèle déterminant en ce qu’il provoque un déplacement du contrôle opéré par le juge. En effet, dans la mesure où cet arrêté est conforme aux lois de 1975 - 1979, invoquer sa méconnaissance de la Constitution et des traités internationaux revient à questionner la conformité à ces textes des lois IVG elles-mêmes.

Sur la première branche du raisonnement, la conformité des lois IVG à la Constitution, le Conseil d’Etat réitère sa jurisprudence traditionnelle (CE, sect., 6/11/1936, Arrighi) : s’estimant incompétent pour contrôler la constitutionnalité des lois, il considère que les lois font écran entre l’arrêté et la Constitution et refuse d’opérer le contrôle du premier au regard de la seconde. Toute autre solution l’aurait, en effet, conduit à porter un jugement sur la constitutionnalité des lois IVG elles-mêmes.

Sur la deuxième branche du raisonnement, le respect par les lois IVG des traités internationaux, la Haute juridiction juge, en revanche, le moyen opérant. L’article 55 de la Constitution confère, en effet, aux traités une autorité supérieure à celle des lois. Celle-ci est, cependant, soumise au respect de certaines conditions. En l’espèce, seules la CEDH et le PIDCP remplissent ces conditions et prévalent, alors, sur les lois IVG. Cette primauté est, dans cette affaire, totale, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Le Conseil d’Etat distinguait, traditionnellement, selon que la loi était antérieure ou postérieure au traité (deux situations présentes en l’espèce) et ne faisait prévaloir les traités que dans la première hypothèse. Le juge administratif est resté fidèle à cette position de longues années. Ce n’est qu’en 1989, par le célèbre arrêt Nicolo,qu’il a, enfin, accepté de faire primer les traités internationaux sur les lois mêmes postérieures. L’arrêt du 21/12/1990 en est l’une des immédiates applications.

Il convient, donc, d’analyser la primauté de la CEDH et du PIDCP sur les lois IVG sous deux angles : celui des conditions de cette primauté (I) et celui du caractère désormais total qui s’attache à elle (II).

  • I– Une primauté des traités sur les lois IVG sujette à conditions
    • A – Des conditions formelles
    • B – Des conditions matérielles
  • II – Une primauté des traités sur les lois IVG désormais totale
    • A – Une primauté fruit d’une longue évolution
    • B – Une primauté qui débouche sur un simple rapport de compatibilité
  • CE, ass., 21/12/1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques

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