L’identification des services publics a toujours constitué une question centrale en droit administratif, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer le juge compétent. Essentielle au début du XX° siècle en raison de la place centrale occupée par la notion de service public, cette question occupe encore de nos jours une place prééminente dans la jurisprudence administrative. L’arrêt commenté est, alors, l’occasion de faire un bilan sur les modes d’identification des services publics gérés par des personnes privées de nos jours.
Dans cette affaire, le ministre des sports a, le 31 Mai 2011, refusé d’agréer le centre de formation de l’Association Nice Volley Ball pour la saison 2011-2012, un agrément étant, en effet, nécessaire pour que ces centres puissent exercer leur activité. L’Association saisit, alors, le Tribunal administratif de Nice pour faire annuler cette décision. Pour le tribunal, le centre de formation gérant un service public, le refus d’agrément constitue une mesure d’organisation du service public : elle présente donc un caractère réglementaire. Or, les décisions ministérielles présentant un caractère règlementaire relèvent en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat. L’affaire est, alors, renvoyée à la Haute juridiction. La question posée au juge administratif suprême est donc de déterminer si ces centres de formation gèrent une mission de service public pour résoudre la question de compétence.
En l’espèce, le Conseil d’Etat répond par la négative à cette question, mais uniquement après avoir relevé que cette activité ne respecte aucune des deux jurisprudences règlementant le problème de l’identification des services publics gérés par des personnes privées. En effet, il existe en la matière une double voie pour qualifier une activité de mission de service public. La première résulte de l’arrêtNarcy du 28 juin 1963 : selon cet arrêt, une activité gérée par un organisme de droit privé est qualifiée de service public si trois conditions sont remplies. L’activité doit, tout d’abord, être d’intérêt général. La personne privée doit être, ensuite soumise au contrôle de l’Administration. Surtout, l’organisme privé doit être titulaire de prérogatives de puissance publique, détention qui traduit l’importance que la personne publique accorde à l’activité en cause. Mais, en 2007, le Conseil d’Etat est venu compléter sa jurisprudence en reconnaissant que des personnes privées pouvaient gérer une mission de service public même sans détenir de prérogatives de puissance publique (CE, sect., 22/02/2007, Association des personnels relevant des établissements pour inadaptés (APREI)). Cet arrêt met l’accent sur l’appréciation de l’intention de l’Administration. Si cette dernière peut être interprétée comme ayant entendu confier la gestion d’un service public, alors l’activité sera regardée comme un service public, même si la personne privée ne dispose pas de prérogatives de puissance publique. Plusieurs critères servent de faisceaux d’indice. Ainsi, le juge tient compte de l’intérêt général de l’activité, des conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, des obligations imposées à la personne privée, ainsi que des mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints. Tous ces éléments permettent de relever l’intention de l’Administration de confier la gestion d’un service public, quand bien même la personne privée ne disposerait pas de prérogatives de puissance publique. Bien entendu, cette nouvelle méthode vient en complément de la méthode classique : elle s'y substitue en cas d'absence de prérogatives de puissance publique. Mais, en l’espèce, les centres de formation des associations sportives ne peuvent être considérés comme gérant un service public, ni du point de vue de la jurisprudence Narcy, ni du point de vue de la jurisprudence APREI.
Il convient donc de confronter les centres de formation des associations sportives à la jurisprudence Narcy (I), puis à la jurisprudence APREI (II).
- I – L’absence de mission de service public au regard de la jurisprudence Narcy
- A – L’association Nice Volley Ball exerce une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’Administration
- B – L’association Nice Volley Ball ne détient aucunes prérogatives de puissance publique
- II - L’absence de mission de service public au regard de la jurisprudence APREI
- A – La jurisprudence APREI : qu’est-ce qui change ?
- B – L’association Nice Volley Ball ne gère pas une mission de service public
- CE, 8/03/2012, Ass. Nice Volley Ball