L'article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958
(dissertation)

Introduction

Pour le Doyen HAURIOU, il est tout à fait clair que le référendum apparaît comme « la plus importante des manifestations du gouvernement direct » (Maurice HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, 2e Ed., Dalloz, 2015, p. 547).

L’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit ainsi que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». La Constitution traduit ainsi la volonté des constituants que le pouvoir politique puisse recourir au référendum y compris sur des textes législatifs. Le pouvoir exécutif est donc chargé de son exécution, de son organisation, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, avec le concours du gouvernement et des deux chambres du Parlement.

Si l’article 89 prévoit un référendum dit « constitutionnel », l’article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958 rend possible, quant à lui, le recours à un référendum qualifié de « législatif ».

Le Général de Gaulle a montré, entre 1958 et 1969, son attachement à cet usage du référendum qui lui permettait de donner la parole au peuple français ou de contourner des oppositions institutionnelles – parfois féroces – à sa politique. Il a organisé ainsi cinq consultations de ce type durant cette courte période. Il engagea notamment sa responsabilité́ sur le résultat du référendum de 1969 qui lui fut hostile et entraina donc sa démission. Mais il convient avec intérêt d’évoquer le contenu, l’évolution et aussi l’effectivité de l’article 11 dans le fonctionnement de la Ve République.

L’article 11 prévoit effectivement l’organisation d’un véritable référendum législatif, dont les contours sont suffisamment larges (I). Mais le recours à ce référendum législatif peut apparaître parfois contesté (II).

Pour le Doyen HAURIOU, il est tout à fait clair que le référendum apparaît comme « la plus importante des manifestations du gouvernement direct » (Maurice HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, 2e Ed., Dalloz, 2015, p. 547).

L’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit ainsi que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». La Constitution traduit ainsi la volonté des constituants que le pouvoir politique puisse recourir au référendum y compris sur des textes législatifs. Le pouvoir exécutif est donc chargé de son exécution, de son organisation, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, avec le concours du gouvernement et des deux chambres du Parlement.

Si l’article 89 prévoit un référendum dit « constitutionnel », l’article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958 rend possible, quant à lui, le recours à un référendum qualifié de « législatif ».

Le Général de Gaulle a montré, entre 1958 et 1969, son attachement à cet usage du référendum qui lui permettait de donner la parole au peuple français ou de contourner des oppositions institutionnelles – parfois féroces – à sa politique. Il a organisé ainsi cinq consultations de ce type durant cette courte période. Il engagea notamment sa responsabilité́ sur le résultat du référendum de 1969 qui lui fut hostile et entraina donc sa démission. Mais il convient avec intérêt d’évoquer le contenu, l’évolution et aussi l’effectivité de l’article 11 dans le fonctionnement de la Ve République.

L’article 11 prévoit effectivement l’organisation d’un véritable référendum législatif, dont les contours sont suffisamment larges (I). Mais le recours à ce référendum législatif peut apparaître parfois contesté (II).

I - L'article 11 : la consécration d'un véritable référendum « législatif »

Depuis 1958, l’article 11 permet la mise en œuvre d’une procédure référendaire inédite (A), qui a évolué pour rendre possible le référendum d’initiative partagée (B).

A - Une procédure référendaire inédite prévue par la Constitution

L’article 11 permet la mise en œuvre d’une référendum législatif organisé notamment par le Président de la République (1) sur des thématiques législatives précises (2).

1 - Un référendum législatif organisé par le Président de la République

L’article 11 alinéa 1er prévoit que « le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum » certains projets de loi. En plus de permettre le recours au référendum sur certains textes législatifs, l’article 11 réaffirme le lien qui existe directement entre le Président de la République et le peuple français.

L’alinéa 2 de l’article 11 précise que « lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat ». Si le référendum amène à un résultat favorable, « le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation » (article 11 al. 7). Le résultat du référendum s’impose donc, dans l’immédiat, à l’exécutif.

La Constitution vient également préciser les thématiques législatives sur lesquelles le référendum peut avoir lieu.

2 - Un référendum limité à certaines thématiques législatives

L’alinéa 1er de l’article 11 précise les projets de lois sur lesquels un référendum législatif peut être organisé. Il s’agit de « tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

Le référendum peut donc être utilisé dans un champ politique assez large. En effet, les politiques économiques, sociales et environnementales peuvent en être l’objet, ce qui recouvre de nombreuses réformes potentielles. Il en va de même pour les projets de loi sur les services publics qui sont particulièrement nombreux en France. Enfin, le référendum peut être autorisé également sur un plan international, c’est-à-dire pour tout projet de loi autorisant le Président de la République à ratifier un traité. Le référendum de l’article 11 a ainsi été utilisé à plusieurs reprises sous la Ve République. Le dernier concernait une question « internationale » - ou en tout cas européenne – sur la Constitution européenne en mai 2005.

Une réforme récente a ajouté un possible référendum d’initiative partagée aux dispositions de l’article 11.

I - L'article 11 : la consécration d'un véritable référendum « législatif »

B - Une évolution de l'article 11 : le référendum d'initiative partagée

L’insertion du référendum d’initiative partagée dans les dispositions de l’article 11 apparait comme une révision récente majeure (1), mais cet élargissement du recours au référendum législatif est largement tempéré par ses difficultés de mise en œuvre (2).

1 - Une révision récente et majeure depuis 2008

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n° 2008-724) a ajouté les alinéas 3 à 6 à l’article 11, prévoyant le possible recours à un référendum d’initiative partagée sous ces conditions : « Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.

Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.

Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin ».

La révision constitutionnelle de 2008 a donc ajouté une nouvelle possibilité de recours à l’article 11. Cependant, dans cette hypothèse, c’est le Parlement qui apparaît aux côtés du peuple et non plus uniquement le Président de la République. Cependant, les conditions de sa mise en œuvre réduisent cette hypothèse à néant.

2 - Un élargissement du référendum législatif tempéré par des difficultés de mise en œuvre

Effectivement, aucune mise en œuvre de ce référendum n’a eu lieu depuis son inscription à l’article 11. Il faut dire qu’avant la tenue d’un référendum, il est nécessaire qu’au moins 185 parlementaires se mettent d’accord pour présenter une telle motion, puis qu’ils soient ensuite relayés et soutenus par près de 4, 5 Millions d’électeurs signataires.

Une fois cette étape franchie, la présentation de la question aux français n’est même pas obligatoire. Le président de la République la soumet au référendum uniquement si les parlementaires ne se sont pas saisis de la question dans un délai qu’il a fixé.

Le « fiasco » récent enregistré par les partisans d’un référendum d’initiative partagée sur la question de la privatisation des aéroports de Paris – depuis lors abandonnée par le gouvernement – démontre ces faiblesses et difficultés de tous ordres.

II - Un recours parfois contesté au référendum de l'article 11

Le recours à l’article 11 peut apparaitre, pour certains et dans quelques hypothèses, contestable. C’est notamment le cas pour réviser la Constitution (A), alors même que les contours de l’article 11 sont flous et peuvent admettre ainsi un élargissement qui risquerait de devenir facilement incontrôlé (B).

A - Le recours à l'article 11 pour réviser la Constitution

Le pouvoir exécutif peut parfois recourir à l’article 11 pour réviser la Constitution (1), ce qui créé un débat passionnant et passionné dans la doctrine publiciste (2).

1 - Une utilisation contestée du référendum législatif pour une révision constitutionnelle

La procédure prévue à article 89 est, d’ordinaire, utilisée pour réviser la Constitution. Elle nécessite cependant un complet accord entre les deux chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) avant toute présentation du texte de révision aux français. Sur plusieurs projets de révision, le général de Gaulle dû faire face à l’opposition exacerbée du Sénat. La chambre haute qui, plus récemment encore, faisait jouer la même opposition face aux hypothèses de révisions présentées par le Président Macron.

En effet, le recours à l’article 11 – pour une révision constitutionnelle – permet à l’exécutif de présenter directement son projet de révision devant le peuple français qui tranchera ou non en sa faveur lors d’un référendum. L’opposition d’une ou des chambres n’y fera rien ! Le général de Gaulle y eut notamment recours en 1962 (pour insérer l’élections du Président de la République au suffrage universel direct) et en 1969. Ses décisions ne furent pas prises sans créer un débat important, tout particulièrement dans la doctrine constitutionnaliste française.

2 - Une utilisation qui fait débat dans la doctrine constitutionnaliste

D’aucuns se borneront à dire que l’utilisation du référendum législatif, en de telles circonstances, n’était pas respectueuse de la Constitution. Ils ont pu ainsi considérer que seul le référendum de l’article 89 s’appliquait aux projets de révision constitutionnelle, souhaitant ainsi limiter strictement le recours à l’article 11. D’autres, comme le Professeur Pierre Lampué, ont justifié la possibilité de recourir au référendum de l’article 11 dès lors qu’il est prévu pour « tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics ».

Quant à lui, le Conseil constitutionnel évitera de trancher directement la question en considérant que le référendum organisé par le général de Gaulle en 1962 est – quoi qu’on en dise et quelle que soit la procédure utilisée – « l'expression directe de la souveraineté nationale » (Conseil constitutionnel, décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962). Les Sages ne sauraient la remettre en cause pour quelques questions.

Dans cet élan favorable à une lecture particulièrement extensive de l’article 11, certains y verront aussi de très larges possibilités d’y recourir notamment sur des sujets qui créent le débat.

II - Un recours parfois contesté au référendum de l'article 11

B - Un possible élargissement du recours à l'article 11

Effectivement, les termes flous et évolutifs retenus dans les dispositions de l’article 11 peuvent être interprétés avec une certaine discrétion (1), ouvrant la voie à des inquiétudes légitimes quant à l’organisation de référendums « démagogiques » sur des sujets de société (2).

1 - Des termes flous et évolutifs : une interprétation discrétionnaire

Les thématiques législatives sont effectivement listées de manière assez large, à l’alinéa premier de l’article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958, traduisant ainsi la volonté des constituants de restreindre sans excès la discrétion offerte au pouvoir exécutif dans l’interprétation de ces dispositions et donc dans l’organisation de tels référendums.

Les termes retenus paraissent donc larges, parfois même flous, tant de nombreux textes législatifs pourraient en faire partie dans bien des domaines. Enfin, il faut dire aussi qu’une révision constitutionnelle pourrait faire évoluer ces thématiques pouvant faire l’objet d’un référendum : la notion de politique « environnementale » a d’ailleurs été ajoutée en 1995 à l’occasion d’une révision constitutionnelle.

Les interprétations toutes plus personnelles les unes que les autres ouvrent aussi la porte à l’organisation de référendums sur des sujets sociétaux qui inquiètent.

2 - Des inquiétudes sur un éventuel référendum « sociétal »

Effectivement, une lecture assez large de l’article 11 pourrait permettre que les sujets de société, les sujets sensibles soient tranchés par le peuple : peine de mort, mariage pour tous, remboursement de l’avortement etc…

Lors du mariage pour tous, plusieurs thèses se sont affrontées sur la possibilité ou non d’organiser un référendum (dans le cadre de l’article 11) pour valider ou non la loi Taubira. Pour la Garde des sceaux, le recours à l’article 11 n’était pas possible. Elle fût appuyée en ce sens par les Pr. Olivier Duhamel et Guy Carcassonne pour qui, les sujets de société ne figurent pas parmi les thématiques pouvant faire l’objet d’un référendum. D’autres considéraient, au contraire, que la politique sociale englobe également les sujets de société (v. Guillaume PERRAULT, « Un référendum sur un sujet de société est-il possible ? », Le Figaro, 14 janvier 2013).

La crainte principale dans le référendum sur des sujets sociétaux demeure dans un usage qui se voudrait démagogique de la part de l’exécutif, avec des affrontements considérables au sein de la population sur des sujets particulièrement sensibles.