Le report en arrière du déficit – « Carry-back »
(fiche thématique)

Introduction

En principe, les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés qui constatent un déficit au titre d’un exercice imputent ledit déficit sur les bénéfices des exercices suivants. Ce droit au report, dit, en avant est illimité dans le temps : autrement dit, toute part du déficit qui n’a pu être reportée sur un bénéfice ultérieur est reportable sans limitation de durée. Toutefois, cette déduction ne peut se faire que dans la limite d'un montant maximum de 1 000 000 € par exercice, majoré de 50 % de la fraction du bénéfice excédant ce seuil.

Il existe, toutefois, à côté de ce régime de droit commun, un dispositif dérogatoire prévu à l’article 220 quinquies du Code général des impôts (CGI) qui consiste en report, dit, en arrière du déficit constaté au titre d’un exercice. Ce dispositif dérogatoire, aussi appelé « carry-back », permet à une entreprise relevant de l'impôt sur les sociétés d’imputer le déficit constaté à la clôture d'un exercice sur le bénéfice de l’exercice précédent dans la limite d'un plafond de 1 000 000 d'euros. Cette imputation fait, alors, naître une créance sur le Trésor au profit de l’entreprise qui est remboursable à l'issue d'une période de cinq ans ou imputable sur l'impôt sur les sociétés à payer pendant cette période.

Le dispositif du « carry-back » peut donc être appréhendé en analysant, d’abord, son principe (I), ses modalités de calcul ensuite (II) et, enfin, l’utilisation qui peut être faite de la créance qu’il fait naître (III).

I – Le principe du « Carry-back »

Le principe du « carry-back » (BOFIP n° BOI-IS-DEF-20-10 du 21/06/2023) consiste à permettre à une entreprise de reporter en arrière un déficit de manière à lui faire bénéficier d’une créance sur le Trésor (A). Ce système n’est, toutefois, pas possible dans certaines hypothèses (B).

A – Un report du déficit sur le bénéfice de l'exercice précédent qui fait naître une créance sur le Trésor

Le dispositif du « carry-back » consiste à imputer le déficit constaté à la clôture d'un exercice N sur le bénéfice de l'exercice précédent (N - 1). Cette imputation fait naître une créance sur le Trésor qui est égale au produit du déficit imputé par le taux de l’impôt sur les sociétés dont a relevé le bénéfice de N – 1. L’entreprise se voit, ainsi, allouer un crédit d’impôt correspondant à la différence entre l’impôt historiquement payé sur l’exercice N – 1 et l’impôt réellement dû après déduction du déficit de l’exercice N.

Ce dispositif présente deux avantages. Il confère à l'entreprise la certitude de réaliser effectivement une économie d'impôt, car il fait naître une créance sur le Trésor public remboursable, en principe, au bout de cinq ans si elle n'est pas utilisée dans ce délai pour le paiement de l'impôt sur les sociétés. Et, il améliore les résultats comptables et le bilan de l'entreprise du fait de l'inscription de la créance à l'actif, ainsi que sa trésorerie lors du remboursement.

Pour bénéficier de ce report en arrière du déficit, l’entreprise doit formuler une option qui constitue une décision de gestion qui lui est opposable et qui vaut réclamation contentieuse. Pour être valide, cette option doit, d’une part, être réalisée au titre de l’exercice au cours duquel le déficit est constaté et, d’autre part, formulée dans le délai de dépôt de la déclaration de résultat n° 2065–SD. A défaut de respect de ces conditions, l’entreprise perd définitivement le droit d’opter pour le report en arrière de ce déficit qui demeure toutefois reportable en avant. L’option est formalisée sur le tableau n° 2058 A-SD pour les entreprises relevant du régime réel normal ou sur le tableau n° 2033 B-SD pour les entreprises relevant du régime réel simplifié, annexé à la déclaration de résultats. L'entreprise doit, également, joindre une déclaration n° 2039-SD au relevé de solde de l’impôt sur les sociétés. Il s’agit d’un formulaire qui est utilisé pour la liquidation de la créance de carry-back correspondant au déficit dont le report en arrière est sollicité. Lorsqu’une société opte pour le report en arrière de son déficit postérieurement à la date limite de dépôt du relevé de solde de l’impôt sur les sociétés, elle doit joindre à sa déclaration de résultat le formulaire de report en arrière des déficits n° 2039-SD.

I – Le principe du « Carry-back »

B – Un report en arrière exclu dans certaines hypothèses

L’option pour le report en arrière du déficit ne peut pas être exercée dans certaines hypothèses. Tel est le cas au titre d'un exercice au cours duquel intervient un jugement plaçant l'entreprise en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

L’option pour le « carry-back » ne peut, également, pas être exercée au titre de l’exercice au cours duquel l'entreprise cesse totalement son activité ou cède la totalité de ses éléments d'actif (cette interdiction ne s'applique pas à l'entreprise cessionnaire).

L’option est, de la même façon, impossible au titre de l’exercice au cours duquel l’entreprise procède à une opération de fusion, de scission ou d'apport partiel d'actif. Cette règle s'applique aussi bien à l'entreprise absorbante ou bénéficiaire de l'apport qu'à l'entreprise absorbée ou apporteuse. Toutefois, il est admis que l'entreprise absorbante ou bénéficiaire de l'apport puisse reporter le déficit constaté au titre de l'exercice au cours duquel l'opération est intervenue, sous réserve qu'il remplisse les conditions prévues pour ce report, à l'exception des déficits éventuellement transférés.

II – Le calcul du « Carry-back »

Le calcul du « carry-back » suppose de suivre trois grandes étapes (BOFIP n° BOI-IS-DEF-20-10 du 21/06/2023).

Il convient, d’abord, de déterminer le déficit éligible au report en arrière. Celui-ci ne peut être que le déficit constaté au cours de l’exercice, l’exercice N, et, en aucun cas, les déficits reportables des exercices antérieurs. Par ailleurs, cette imputation ne peut se faire que dans la limite d’un plafond de 1 000 000 €. Le déficit qui n’a pu être reporté en arrière (parce que le bénéfice de l’exercice N – 1 est supérieur à 1 M €) demeure reportable en avant.

Il faut, ensuite, déterminer la base sur laquelle viendra s’imputer le déficit de l’exercice N. Celle-ci s’entend du résultat fiscal (le bénéfice) déclaré au titre de l’exercice précédant celui ayant fait apparaître le déficit et qui a servi d’assiette à la liquidation de l’impôt sur les sociétés au taux normal de droit commun ou au taux réduit (applicable aux PME). Lorsqu’un déficit est susceptible d’être reporté en arrière sur les bénéfices soumis pour partie au taux réduit et pour partie au taux normal, ce déficit est réputé imputé en priorité sur le bénéfice soumis au taux normal, puis sur le bénéfice soumis au taux réduit.

Le Code général des impôts exclue, toutefois, de cette base d’imputation plusieurs fractions du bénéfice de l’exercice N – 1. Tel est, d’abord, le cas de la fraction qui a fait l’objet d’une distribution, c’est-à-dire d’un versement de dividendes aux associés. De la même façon, est exclue la fraction qui a donné lieu à un impôt payé au moyen de réductions ou de crédits d'impôt (crédit d’impôt recherche, réduction d’impôt pour mécénat, …). Sont, également, exclus de la base d'imputation les bénéfices exonérés en application de dispositions particulières (entreprises nouvelles, entreprises implantées dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs, entreprises créées ou reprises dans les zones de revitalisation rurale, …). Il en va de même des plus-values à long terme et des produits de la propriété industrielle et assimilés taxés à un taux réduit.

Enfin, le déficit de l’exercice N vient s’imputer sur le bénéfice éligible de l’exercice N – 1 dans la limite du dudit bénéfice ou d’un plafond de 1 000 000 € (si ce montant est inférieur au bénéfice). La partie du déficit ainsi imputé est, ensuite, multipliée par le taux de l'impôt sur les sociétés applicable à l'exercice de réalisation du bénéfice N - 1 (taux normal ou taux réduit dont bénéficient les PME) pour obtenir le montant de la créance sur le Trésor que peut revendiquer l’entreprise.

III – L'utilisation de la créance issue du « Carry-back »

L'excédent d'impôt résultant de l'imputation en arrière du déficit fait naître, au profit de l'entreprise concernée, une créance d'égal montant. Sur le plan comptable, cette créance constitue un produit de l'exercice déficitaire. Toutefois, elle n'est pas imposable et doit faire l'objet d'une déduction extra-comptable. L’utilisation de cette créance obéit aux principes qui suivent (BOFIP n° BOI-IS-DEF-20-20 du 02/02/2022).

Cette créance peut être utilisée pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours des cinq années suivant celle au cours de laquelle l'exercice déficitaire a été clos. Cette imputation est effectuée sur les acomptes, puis sur le solde de l'impôt sur les sociétés et, le cas échéant, sur les rappels d'impôt portant sur ces exercices. La créance ne peut pas en revanche servir au paiement de la contribution sociale.

La fraction de la créance qui n'a pas été imputée sur l'impôt sur les sociétés fait l'objet d'un remboursement au terme du délai de cinq ans. L'entreprise peut aussi choisir de l'utiliser pour s'acquitter d'échéances fiscales à venir (impôt sur les sociétés, TVA, taxes sur les salaires, taxe d'apprentissage, …) en souscrivant le formulaire n° 3516-SD. Si le remboursement n'est pas effectué spontanément par l'administration, le contribuable peut lui présenter une demande de remboursement dans le délai de prescription quadriennale et, en cas de rejet, porter le litige né de ce rejet devant le juge de plein contentieux.

Durant la période de cinq ans, la créance non utilisée peut, toutefois, faire l’objet, à titre dérogatoire, de deux autres usages. Elle peut, d’abord, donner lieu à un remboursement anticipé pour les entreprises qui font l'objet d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, la demande pouvant être déposée à compter de la date de la décision ou du jugement qui a ouvert ces procédures. Le remboursement est effectué sous déduction d'un intérêt appliqué à la créance restant à imputer, calculé au taux de l'intérêt légal. L'administration précise que le remboursement immédiat concerne les créances nées antérieurement à l'ouverture des procédures, ainsi que celles nées pendant la période couverte par ces procédures. Second usage, la créance non utilisée peut, également, être mobilisée auprès d'un établissement de crédit en application de la loi Dailly. L'établissement peut obtenir lui-même le remboursement de la créance dont la propriété lui a été transférée à titre de garantie, au terme du délai de cinq ans. Si, dans l'intervalle, l'entreprise recouvre la propriété de sa créance, celle-ci redevient imputable sur l'impôt sur les sociétés, puis, s'il y a lieu, remboursable à l'issue des cinq ans.

L'administration est fondée à vérifier l'existence et la quotité de la créance de l'entreprise et à rectifier éventuellement son montant, même lorsque les éléments de calcul doivent être recherchés dans les résultats d'exercices prescrits. Ce contrôle peut être exercé jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle la créance s'est éteinte, soit par remboursement, soit par imputation totale, soit par imputation du reliquat de la créance en cas d'imputation partielle antérieure. Les irrégularités constatées peuvent donner lieu à l'application des pénalités de droit commun lorsqu'elles affectent la détermination du montant de la créance, son imputation ou son remboursement.