Les produits et les charges en droit fiscal
(fiche thématique)

Introduction

L’article 38 – 1 du Code général des impôts (CGI) prévoit : « le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. » Autrement dit, ce bénéfice s’obtient en additionnant l’ensemble des produits imposables et en déduisant toutes les charges qui présentent un caractère déductible.

Trois grandes catégories de produits existent. Il y a, d’abord, les produits d’exploitation qui correspondent aux produits découlant de l’activité principale de l’entreprise. D’autres produits résultent des différentes opérations financières menées par la société : dividendes liés aux participations détenues, intérêts sur des prêts consentis, par exemple. Enfin, existent de multiples produits exceptionnels générés par des évènements occasionnels et nettement individualisés.

Du point de vue des charges, le droit fiscal pose cinq grandes conditions à leur déductibilité. Diverses et variées, elles regroupent aussi bien les achats, les impôts que les frais de personnel. La catégorie la plus étoffée reste, cependant, celle des services extérieurs : cette dernière comprend, notamment, les locations, les frais d’entretien et de réparation, les primes d’assurances ou, encore, les frais de publicité.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les produits (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les charges (II).

I – Les produits

Trois grandes catégories de produits sont imposables : les produits d’exploitation (A), les produits financiers (B) et les produits exceptionnels (C).

A - Les produits d'exploitation

Les produits d’exploitation se composent de deux catégories de produits (1) et obéissent à la règle des créances acquises (2).

1 – La composition des produits d’exploitation

L’on trouve, principalement, les produits liés à l’activité principale et, de manière plus secondaire, divers produits accessoires.

a / Les produits liés à l’activité principale - les ventes ou recettes : ces produits sont constitués, d’une part, par le prix total des marchandises et, d’autre part, par le prix des travaux effectués ou des services fournis par l’entreprise.

b / Les produits accessoires réalisés à l’occasion de la gestion commerciale de l’entreprise constituent, également, des éléments du bénéfice imposable ; l’on peut, notamment, citer :

  • les loyers et autres revenus des immeubles figurant à l’actif de l’entreprise,
  • les bénéfices agricoles et les bénéfices non commerciaux réalisés de manière accessoire par l’entreprise : ceux-ci sont pris en compte pour la détermination du bénéfice industriel et commercial s’ils en constituent une simple extension (art. 155 – I du CGI).

2 – L’exercice de rattachement des produits d’exploitation : la règle des créances acquises

Le rattachement des produits d’exploitation obéit au principe général des créances acquises (art. 38 – 2 bis du CGI) : concrètement, ces produits ne peuvent être pris en compte que s’ils se rapportent à une opération ayant donné naissance, au cours de la période d’imposition, à une créance acquise, c’est-à-dire une créance certaine dans son principe et déterminée dans son montant. L’on parle, ainsi, d’une comptabilité d’engagement. Les modalités d’application de cette règle diffèrent selon qu’il s’agit de ventes, de prestations de services ou de travaux d’entreprise donnant lieu à réception.

a / Ventes : l’exercice de rattachement est celui au cours duquel intervient la livraison des biens, c’est-à-dire le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l’acheteur ; il s’agit, par exemple, de la remise de la chose pour les biens mobiliers ou de la remise des clefs en ce qui concerne les immeubles.

b / Prestations de services : la fourniture de services n’est génératrice d’un produit imposable qu’au titre de l’exercice au cours duquel intervient l’achèvement de la prestation ; deux exceptions doivent, cependant, être relevées :

  • prestations continues, c’est-à-dire des prestations dont l’exécution se prolonge dans le temps (locations, contrats d’assurances, …) : ici, les produits sont imposables au fur et à mesure de l’exécution du contrat,
  • prestations discontinues, c’est-à-dire des prestations qui comportent des phases d’exécution séparées dans le temps et échelonnées sur plusieurs exercices (contrats d’entretien de matériel, …) : en l’espèce, les produits sont imposables au fur et à mesure de l’exécution des prestations,

c / Travaux d’entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle (travaux de bâtiment, travaux publics, …) : l’exercice de rattachement est celui au cours duquel intervient la réception ou celui de la mise à disposition du maitre de l’ouvrage si celle-ci est effectuée à une date antérieure à celle de la réception ; par dérogation, les entreprises de construction, de travaux publics et de construction navale peuvent opter pour le rattachement de leurs créances au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

I – Les produits

B – Les produits financiers

Les produits financiers doivent être compris dans le bénéfice imposable. L’on peut, notamment, citer les produits qui suivent.

a / Les dividendes : ceux-ci sont enregistrés, en comptabilité, dès la date de l’assemblée générale ayant pris la décision de distribuer ; toutefois, l’administration fiscale autorise, par dérogation, leur prise en compte dans les résultats imposables de l’entreprise à la date de leur perception ; dans l’hypothèse d’une entreprise passible de l’impôt sur le revenu, les dividendes sont, ensuite, déduits du résultat imposable pour être déclarés dans la catégorie des revenus mobiliers.

b / Les produits de titres à revenu fixe (obligations, titres participatifs, bons du Trésor, …) doivent être rattachés aux résultats imposables de l’exercice au cours duquel ils ont couru ; dans l’hypothèse d’une entreprise passible de l’impôt sur le revenu, ces produits sont, ensuite, déduits du résultat imposable pour être déclarés dans la catégorie des revenus mobiliers.

c / Les produits de créances, dépôts, cautionnements et comptes courants : ces produits doivent être rattachés aux résultats de l’exercice au cours duquel ils ont couru.

I – Les produits

C – Les produits exceptionnels

Les produits exceptionnels sont des produits résultant d’évènements distincts des activités ordinaires de l’entreprise et qui ont un caractère occasionnel, non répétitif et inhabituel. L’on trouve, notamment, les produits suivants.

a / Les subventions de fonctionnement reçues par l’entreprise constituent, quelle qu’en soit l’origine (aides publiques, subventions interentreprises), un produit imposable de l’exercice au cours duquel ils sont acquis, c’est-à-dire où a lieu la date d’octroi de l’aide.

b / Les subventions d’équipement (ou d’investissement) accordées par l’Union européenne, l’Etat, les collectivités publiques ou tout autre organisme public, peuvent bénéficier d’une imposition échelonnée ; ce régime, qui revêt un caractère optionnel, est réservé aux subventions utilisées pour la création ou l’acquisition d’immobilisations identifiées dans la décision d’octroi de l’aide.

c / Les indemnités (indemnités d’assurances, d’expropriation, …) perçues par une entreprise en réparation d’un préjudice constituent des produits imposables dès lors qu’elles ont pour objet de compenser des charges ou des pertes déductibles par nature, des pertes de recettes taxables, ou encore la perte ou la dépréciation d’éléments d’actif.

d / Les remises de dettes dont bénéficient les entreprises en difficulté dans le cadre d’une procédure collective ou à la suite d’abandons de créances par la société mère constituent des produits imposables ; en effet, ces remises de dettes entraînent une diminution du passif exigible et, par suite, une augmentation de l’actif net de l’entreprise débitrice.

II – Les charges

Pour être déductibles, les charges doivent respecter cinq grandes conditions (A). Des exemples seront, ensuite, donnés (B).

A - Les conditions de déduction des charges

Pour être admises en déduction des bénéfices imposables, les charges doivent remplir les cinq conditions suivantes.

a / Les charges doivent être exposées dans l’intérêt de l’exploitation : autrement dit elles doivent se rattacher à une gestion normale ; ne sont donc pas déductibles les dépenses personnelles de l’exploitant ou les dépenses afférentes à des biens non affectés à l’exploitation.

b / Les charges doivent être effectives et justifiées, ce qui suppose qu’elles soient inscrites en comptabilité, qu’elles affectent le résultat comptable et qu’elles soient appuyées de justificatifs suffisants.

c / Les charges doivent se traduire par une diminution de l’actif net de l’entreprise : ne sont donc pas déductibles les coûts d’acquisition des immobilisations, les dépenses ayant pour objet de prolonger la durée probable d’un bien ou, encore, les dépenses ayant pour contrepartie la disparition d’une dette ou la naissance d’une créance à l’actif ; il existe, cependant, une tolérance administrative au terme de laquelle les matériels et outillages ou les mobiliers de bureau et logiciels dont la valeur unitaire ne dépasse pas 500 € peuvent, alors qu’ils ont pourtant vocation à rester durablement dans l’entreprise, être inscrits directement en charges.

d / Les charges doivent être déduites des résultats de l’exercice au cours duquel elles sont engagées : en d’autres termes, leur déduction n’est possible que lorsqu’elles présentent pour l’entreprise le caractère d’une dette certaine dans son principe et déterminée dans son montant ; la date de paiement est sans incidence.

e / Enfin, les charges ne doivent pas être exclues du droit à déduction ou voir leur déduction limitée par une disposition fiscale expresse :

  • ne sont pas déductibles les sanctions pécuniaires et pénalités mises à la charge des contrevenants à des dispositions légales,
  • ne sont pas déductibles les dépenses de caractère somptuaire liées, notamment, à l’exercice de la chasse ou de la pêche, à l’achat ou à la location de résidences de plaisance ou d’agrément, de bateaux de plaisance ou de yachts (sauf si l’objet social de l’entreprise est la vente ou la location de ces biens, ou lorsque ces dépenses sont exposées dans le cadre des services sociaux de l’entreprise),
  • la déduction de l’amortissement des véhicules de tourisme n’est pas déductible pour la fraction de leur prix d’acquisition supérieure à un certain montant (fonction de la date d’acquisition du véhicule et / ou de la quantité de dioxyde de carbone émise), sauf si ces biens sont nécessaires à l’entreprise en raison de l’objet même de son activité (exploitants de taxis, auto-écoles, …),

II – Les charges

B – Quelques exemples de charges

Il est possible de citer les charges suivantes.

a / Frais d’établissement (coût des formalités légales de publication, frais d’augmentation de capital, …) : ces frais peuvent être déduits soit pour la totalité de leur montant au titre de l’exercice au cours duquel ils sont engagés dès lors qu’ils ne sont pas inscrits à l’actif du bilan, soit de manière échelonnée sur une période maximale de cinq ans suivant un plan d’amortissement linéaire.

b / Achats : les achats à prendre en compte sont ceux qui sont effectués au cours de l’exercice, même si leur prix n’a pas été payé à la clôture dudit exercice ; le montant à retenir doit comprendre le prix principal, ainsi que les frais accessoires (transport, assurances, ...) et être diminué des réductions obtenues (rabais, remises, ristournes).

c / Services extérieurs et autres charges de gestion courante :

  • loyers et charges locatives des locaux professionnels, du matériel ou du mobilier : ces frais sont déductibles dès lors qu’ils n’excèdent pas la valeur locative réelle des biens loués ; la déduction s’opère au titre de l’exercice au cours duquel les loyers ont couru, mais, par dérogation, les loyers payables d’avance peuvent être déduits à leur date d’échéance,
  • frais d’entretien et de réparation: ces frais voient leur traitement fiscal varier en fonction de leur nature :
    • les dépenses habituelles, c’est-à-dire celles qui ont pour seule finalité de maintenir le bien dans un état normal d’utilisation, sans en augmenter la valeur ou la durée d’utilisation, sont immédiatement déductibles (travaux de peinture, de nettoyage, …),
    • les dépenses de remplacement d’un composant (moteur d’une installation technique, ascenseur, …), identifié comme tel à l’origine, doivent être inscrites à l’actif de l’entreprise ; il en va de même en cas de remplacement des éléments qui répondent par nature à la définition d’un composant, mais que l’entreprise n’a pas identifié comme tel à l’origine ; en revanche, dans le cas où l’élément remplacé n’a pas, à juste titre, été identifié comme composant, le coût du remplacement constitue une charge d’exploitation s’il n’a pas pour effet d’augmenter la valeur du bien ou d’en prolonger la durée d’utilisation,
    • les dépenses se traduisant par la réalisation de nouveaux aménagements ou agencements (travaux de transformation d’un appartement en bureaux, …) se traduisent par l’entrée d’une nouvelle immobilisation à l’actif,
    • les dépenses de mise aux normes doivent être immobilisées si elles prolongent la durée d’utilisation du bien ou en augmente la valeur ; dans le cas contraire, elles constituent des charges déductibles,
  • primes d’assurances : sont déductibles les primes d’assurances de dommages qui ont pour objet de garantir l’entreprise contre la perte des éléments d’actif, les risques encourus du fait de sa responsabilité ou les pertes d’exploitation dues à certains évènements,
  • frais de recherche et de développement : ces frais peuvent, au choix de l’entreprise, être immobilisés ou immédiatement déduits des résultats de l’exercice au cours duquel ils ont été exposés,
  • frais de conception de logiciels : ces coûts peuvent, au choix de l’entreprise, être immobilisés ou immédiatement déduits des résultats de l’exercice au cours duquel ils ont été exposés,
  • commissions, courtages, honoraires : ces dépenses sont déductibles dès lors qu’elles correspondent à des prestations effectuées dans l’intérêt de l’entreprise et qu’elles relèvent d’une gestion normale,
  • publicité et relations publiques : les dépenses de publicité sont déductibles, à l’exception de celles afférentes à des publicités prohibées ; les dépenses de parrainage de certaines manifestations sont admises en déduction si elles sont exposées dans l’intérêt direct de l’entreprise, ce qui implique que l’image de cette dernière soit identifiable lors de la manifestation et que les sommes versées soient en rapport avec l’avantage attendu,
  • frais de voyage et de déplacement : ces frais sont déductibles s’ils présentent un caractère professionnel et s’ils sont assortis de justifications suffisantes,
  • frais de réception et de représentation : ces frais sont déductibles lorsqu’ils sont exposés dans l’intérêt de l’entreprise et s’ils sont assortis de justifications suffisantes ; leur déduction n’est, cependant, pas admise lorsqu’ils présentent un caractère somptuaire.

d / Impôts et taxes : les entreprises peuvent déduire les impôts, droits et taxes à leur charge ; la déduction s’opère, en règle générale, l’exercice au cours duquel ils ont été mis en recouvrement ou sont devenus exigibles ; la déduction est, cependant, exclue concernant certains impôts (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, CRDS, …).

e / Charges de personnel :

  • salaires et autres rémunérations (indemnités de congés payés, avantages en nature, remboursements forfaitaires de frais, …) :
    • salaires du personnel et des dirigeants d’une société relevant de l’impôt sur les sociétés : ces frais sont déductibles dès lors qu’ils correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessifs eu égard à l’importance du service rendu ; ils doivent être déduits des résultats de l’exercice au cours duquel ils présentent pour l’entreprise le caractère de dettes certaines dans leur principe et leur montant, même s’ils n’ont pas encore été versés à la clôture de l’exercice,
    • les rémunérations que s’allouent les exploitants individuels en rémunération de leur travail personnel ne sont pas déductibles des bénéfices imposables et doivent être soumis à l’impôt sur le revenu,
    • le salaire du conjoint de l’exploitant individuel est déductible en totalité dès lors qu’il participe effectivement à l’exploitation et que les cotisations sociales sont acquittées,
  • charges sociales:
    • les charges liées aux rémunérations du personnel et des dirigeants de sociétés relevant de l’impôt sur les sociétés sont déductibles,
    • les charges relatives à la rémunération de l’exploitant individuel sont déductibles sans limitation lorsqu’il s’agit de régimes obligatoires et sous certaines limites en ce qui concerne les régimes facultatifs,
    • les charges afférentes à la rémunération du conjoint de l’exploitant individuel sont déductibles en totalité,
  • dépenses diverses supportées dans l’intérêt des salariés : indemnités de licenciement, dépenses engagées au titre de la formation professionnelle des salariés, sommes versées au comité social et économique, … ; ces charges sont déductibles.

f / Charges financières :

  • les intérêts des sommes dues à des tiers sont déductibles lors de l’exercice au cours duquel ils ont couru, dès lors que la dette a été contractée dans l’intérêt de l’entreprise et qu’elle est inscrite au bilan,
  • les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu’ils mettent à la disposition de la société sont, sous réserve de la libération intégrale du capital, admis en déduction dans la limité d’un taux d’intérêt maximal (égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d’une durée supérieur à deux ans).

g / Charges exceptionnelles et pertes diverses : ces charges peuvent être subies dans le cadre d’opérations de gestion ou du fait d’opérations portant sur des éléments d’actif ; l’on peut, notamment, citer :

  • pertes résultant d’une créance définitivement irrecouvrable,
  • aides et avantages accordés à des tiers :
    • les aides à caractère commercial sont déductibles à la condition qu’ils relèvent d’une gestion normale, c’est-à-dire qu’ils comportent une contrepartie équivalente pour l’entreprise qui les accorde : il en va, ainsi, par exemple, en cas d’abandon d’une créance trouvant son origine dans des relations commerciales entre deux entreprises et consenti pour maintenir des débouchés ou préserver des sources d’approvisionnement,
    • les aides aux entreprises en difficulté financière : les abandons de créances à caractère commercial consentis dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement sont déductibles pour la totalité de leur montant indépendamment de l’existence d’un intérêt de l’entreprise créancière ; les aides à caractère autre que commercial accordées dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire ou d’une procédure de conciliation en application d’un accord constaté ou homologué sont déductibles sous réserve d’un intérêt de la société versante,
  • dons et subventions : sont déductibles les dons et subventions accordés dans l’intérêt direct de l’entreprise, c’est-à-dire qui relèvent d’une gestion normale ; tel est, notamment, le cas de ceux consentis dans l’intérêt des salariés ; en revanche, les dons effectués au titre du mécénat d’entreprise ouvrent droit, sous certaines limites, à une réduction d’impôt,
  • dommages-intérêts et frais de procès,