L’impôt sur le patrimoine est une constante dans le système fiscal français depuis le dernier quart du XX° siècle. Un impôt sur les grandes fortunes fut, en effet, institué en 1982. Supprimé en 1987 lors de la cohabitation, il est remplacé, en 1989, par l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Jugeant cet impôt contre-productif en termes économiques, le gouvernement d’Edouard Philippe lui substitue, à compter de 2018, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) conformément aux promesses électorales d’Emmanuel Macron.
A la différence de l’ISF, l’IFI ne taxe que le patrimoine immobilier des contribuables, dès lors que sa valeur est supérieure à 1 300 000 € au 1° janvier de l’année d’imposition. En revanche, certaines exonérations demeurent, notamment celle qui concerne les actifs professionnels.
Le calcul de l’IFI reprend, quant à lui, les grandes lignes de l’ISF : application d’un barème progressif, déduction d’une réduction d’impôt pour les dons accordés à certains organismes d’intérêt général et application d’un plafonnement.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, le champ d’application de l’IFI (I) et d’analyser, dans une seconde partie, ses modalités de calcul (II).
L’impôt sur la fortune immobilière est un impôt annuel dont les conditions d’assujettissement s’apprécie au 1° janvier de l’année d’imposition. Il est dû par les personnes physiques dont le patrimoine immobilier excède le seuil de 1 300 000 €.
Il y a lieu de s’attacher à définir, d’une part, les personnes imposables (A) et, d’autre part, les actifs immobiliers (B).
Ne sont imposables à l’IFI que les seules personnes physiques. Les personnes morales ne le sont jamais. L’imposition se fait par foyer (1) et l’étendue des obligations fiscales des contribuables varie selon que leur domicile fiscal est ou non situé en France (2).
L’imposition à l’IFI se fait par foyer. La composition du foyer s’apprécie au 1° janvier de l’année d’imposition. Plusieurs situations doivent être envisagées.
a / Les couples mariés sont soumis à imposition commune, sauf lorsqu’ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit et lorsque, en instance de divorce ou de séparation de corps, ils ont été autorisés à avoir des domiciles séparés.
b / Les personnes liées par un PACS font également l’objet d’une imposition commune.
c / Les personnes vivant en concubinage notoire (relation stable et continue entre deux personnes qui vivent en couple) sont elles aussi soumises à imposition commune, sauf si elles sont mariées par ailleurs, auquel cas elles sont imposées avec leur conjoint légal.
d / Les enfants mineurs voient les biens leur appartenant être imposés avec ceux de leurs parents qui ont l’administration légale de leurs biens ; ils peuvent être répartis par moitié entre les deux parents lorsque ces derniers font l’objet d’une imposition séparée à l’IFI tout en exerçant conjointement l’autorité parentale.
e / Les enfants majeurs rattachés au foyer fiscal de leurs parents pour l’impôt sur le revenu forment un foyer fiscal taxable à l’IFI distinct de celui de leurs parents ; en matière d’IFI, le rattachement n’est pas possible pour ces personnes.
L’étendue des obligations fiscales à l’IFI dépend du lieu du domicile fiscal du contribuable. Ce domicile est déterminé selon les mêmes règles qu’en matière d’impôt sur le revenu ; en revanche, il s’apprécie au 1° janvier de l’année d’imposition. Ces règles s’appliquent sous réserve des conventions fiscales internationales.
Deux hypothèses doivent être distinguées.
a / Les personnes domiciliées en France : ces personnes sont, quelle que soit leur nationalité, soumises à une obligation fiscale illimitée ; en d’autres termes, tous les actifs immobiliers leur appartenant, qu’ils soient situés en France ou hors de France, entrent dans le champ d’application de l’IFI.
b / Les personnes domiciliées hors de France : elles ne sont imposables qu’à raison de leurs actifs immobiliers situés en France.
Remarque : les critères du domicile fiscal doivent être appréciés au regard de chacune des personnes composant le foyer fiscal ; ainsi, les actifs immobiliers situés à l’étranger et appartenant au conjoint et aux enfants du contribuable ne sont passibles de l’IFI que pour autant que ce conjoint et ces enfants sont personnellement considérés comme domiciliés en France.
L’IFI est assis sur le patrimoine immobilier appartenant, au 1° janvier de l’année d’imposition, au redevable et aux membres de son foyer fiscal. Certains éléments de ce patrimoine sont imposables (1), d’autres sont, en revanche, exonérés (2).
Le patrimoine immobilier imposable à l’IFI comprend deux grands types de biens.
a / Tous les biens et droits immobiliers entrent dans le champ d’application de l’IFI : les immeubles bâtis quelle qu’en soit l’affectation (résidence principale ou secondaire, usage d’habitation ou professionnel, …), les immeubles non bâtis (terrains à bâtir, terres agricoles, landes, …) et les droits réels immobiliers (usufruit, droit d’usage, …).
b / Les parts ou actions de sociétés (établies en France ou à l’étranger) sont imposables à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou de droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société ; sont, en revanche, exclus de cette base d’imposition :
Deux grandes catégories de biens sont exonérées d’IFI : les actifs professionnels et certains biens ruraux et forestiers.
a / Les actifs professionnels :
b / Certains biens ruraux et forestiers :
Le calcul de l’impôt sur la fortune immobilière suppose d’évaluer les actifs imposables (A), de déduire certaines dettes (B) et de liquider l’impôt à partir de la base nette taxable ainsi déterminée (C).
Les actifs imposables sont évalués par le contribuable, sous réserve du contrôle de l’administration. L’évaluation s’effectue selon les règles en vigueur en matière de mutation par décès, soit à leur valeur vénale réelle au 1° janvier de l’année d’imposition. La valeur vénale d’un bien est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel d’un bien déterminé en tenant compte des données du marché et des particularités physiques, juridiques et économiques du bien.
Des modalités particulières d’évaluation peuvent s’appliquer.
a / Les immeubles : la valeur vénale réelle des immeubles dont le propriétaire a l’usage est réputée égale à leur valeur libre de toute occupation ; par ailleurs, un abattement de 30 % s’applique sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire.
b / Les actions et parts de sociétés : le redevable doit, d’abord, déterminer la valeur vénale de ces titres, puis lui appliquer le coefficient de taxation correspondant au ratio immobilier de la société (rapport entre la valeur vénale des biens et droits immobiliers imposables détenus par la société et la valeur vénale de l’ensemble des actifs détenus par la société).
Les dettes contractées par le redevable peuvent être déduites de l’actif imposable lorsqu’elles existent au 1° janvier de l’année d’imposition et qu’elles sont effectivement supportées par le redevable. Seules peuvent être déduites les dettes afférentes à des actifs imposables, le cas échéant à proportion de leur valeur imposable. Ne sont donc pas déductibles, notamment, les dettes afférentes à des actifs professionnels.
Pour être déductibles, les dettes doivent être utilisées pour la réalisation des dépenses que la loi énumère de manière limitative :
En revanche, la loi interdit la déduction des prêts contractés directement, ou indirectement par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés interposées, auprès du redevable, d’un membre de son foyer fiscal ou du cercle familial.
Remarque : lorsque la valeur vénale du patrimoine taxable est supérieure à 5 millions d’euros et que le montant des dettes excède 60 % de cette valeur, le montant des dettes excédant ce seuil n’est déductible qu’à hauteur de 50 % de cet excédent.
Le calcul de l’IFI s’effectue en suivant un processus à 4 temps.
a / Un barème progressif par tranches s’applique, d’abord, à la valeur nette du patrimoine imposable lorsque celui-ci excède le seuil d’imposition de 1 300 000 € ; une décote est prévue pour les patrimoines dont la valeur nette taxable est égale ou supérieure à 1 300 000 € et inférieure à 1 400 000 €.
b / Peuvent, ensuite, s’imputer sur le montant de l’IFI des réductions d’impôt pour dons à des organismes d’intérêt général (fondations reconnues d’utilité publique, entreprises d’insertion, fondations universitaires, …) ; ces dons s’imputent à hauteur de 75 % du montant des versements ; par ailleurs, le montant de l’avantage fiscal est plafonné à 50 000 € par an ; et, ces versements ne peuvent être pris en compte pour la réduction d’impôt sur le revenu.
c / Puis, s’applique, le plafonnement de l’IFI : celui-ci a pour but d’éviter que le total formé par l’IFI et l’impôt sur le revenu de l’année précédente n’excède 75 % des revenus de l’année précédente ; en cas d’excédent, celui-ci vient en diminution de l’IFI.
d / Enfin, l’impôt sur la fortune acquitté à l’étranger au cours de l’année d’imposition à raison des biens situés hors de France est imputable sur le montant de l’IFI dû en France dans la limite de l’impôt français correspondant à ces biens.