Lorsque la responsabilité de l’Administration est recherchée par les administrés sur le terrain de la faute, ceux-ci doivent normalement prouver l’existence de celle-ci. Il en va, ainsi, dans la plupart des hypothèses. Mais, il existe des cas, limités, ou les requérants n’ont pas à démontrer l’existence de la faute, celle-ci étant présumée, ce qui facilite, alors, la réparation du préjudice. L’arrêt commenté vient, ici, rajouter une nouvelle hypothèse de présomption de faute.

Dans cette affaire, une femme a, en 1987, accouché sous X d’une petite fille qui a, par la suite, été adoptée par une famille des Alpes-Maritimes. Lorsque l’enfant a atteint l’âge de 14 ans, sa mère biologique a réussi à obtenir des informations sur sa nouvelle identité et celle de sa famille adoptive. Elle  a, alors, pris contact avec sa fille biologique et s’est manifesté  « de façon insistante et répétée, au cours de plusieurs années, tant auprès de cette dernière que des membres de sa famille et de son entourage ». Elle a même donné une certaine publicité à son parcours en intervenant  dans les médias. La famille a donc demandé au Tribunal administratif de Nice la réparation du préjudice résultant de la divulgation  de ces informations. Celui-ci a, cependant, rejeté leur demande le 27 Janvier 2009. La famille a, alors, fait appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille qui, le 17 Février 2011, a aussi rejeté leur requête. Le Conseil d’Etat a donc été saisi, et celui-ci, le 17 Octobre 2012, a cassé l’arrêt de la cour d’appel en jugeant que le fait que la mère biologique ait eu accès à des informations sur la nouvelle identité de l’enfant révèle une faute dans le fonctionnement du service de l’aide sociale à l’enfance.

C’est donc une nouvelle hypothèse de présomption de faute qui est instituée lorsqu’il y a violation du secret professionnel par l’aide sociale à l’enfance. Ce type de mécanisme est généralement institué par le juge administratif dans des hypothèses ou il est quasiment impossible pour la victime d’établir la réalité de la faute et ou le préjudice apparait comme résultant, presque naturellement, du comportement de l’Administration. Le système des présomptions de faute constitue, alors, en quelque sorte, un mécanisme de secours permettant d’engager la responsabilité de l’Administration dans des cas où il apparaitrait choquant qu’il n’en fut pas ainsi faute pour la victime d’avoir démontré la réalité de la faute. Jusqu’à l’arrêt commenté, il n’existait que deux hypothèses de faute présumée : les dommages causés aux usagers des ouvrages publics et certains dommages causés par l’activité hospitalière. L’arrêt, objet de ce propos, vient rajouter une troisième hypothèse de présomption de faute. Plus précisément, le juge relève que la collectivité publique en charge de conserver les informations sur une enfant née sous X est le département. Dès lors, ce dernier étant la seule administration détenant ces informations, la « fuite » ne peut provenir que de ses services : le juge administratif présume, alors, une faute dans le fonctionnement de ses services.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, le régime général de la responsabilité pour faute présumée (I), puis d’analyser, dans une seconde partie, la nouvelle hypothèse de présomption de faute relative à la violation du secret professionnel par l’aide sociale à l’enfance (II).

  • I -  Le régime général de la responsabilité pour faute présumée
    • A – La distinction faute prouvée / faute présumée
    • B – Les hypothèses traditionnelles de faute présumée
  • II – Un nouveau cas de présomption de faute : la violation du secret professionnel par l’aide sociale à l’enfance
    • A – L’accès à des informations protégées sur l’identité d’une enfant adoptée …
    • B – … révèle une faute dans le fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance
  • CE, 17/10/2012, Mlle. Sophie B.

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