Il est de ces notions fondamentales et originelles du droit administratif français qui ne peuvent recevoir de définition. Le service public en fait partie. Elle justifie, selon Duguit et Jeze, l’existence même d’un droit administratif, préside à ses évolutions, conditionne le raisonnement du juge administratif, et, pourtant, elle se trouve être un peu comme la prose de monsieur Jourdain : les personnes publiques et privées en font, sans le savoir. C’est toute la difficulté à laquelle est confronté l’arrêt CE, 23 mai 2011, Commune de Six-Fours-les-plages.

La commune de Six-Fours-les-plages avait créé en 1996, un festival de musique intitulé « les voix du Gaou », qui se tenait tous les étés sur la presqu’île du Gaou. Pendant 10 ans, la commune a pris elle-même en charge cette activité, en régie directe. En 2007, le conseil municipal a estimé être dans l’intérêt de la commune de conclure une convention avec une société privée afin que cette dernière poursuive l’organisation de ce festival. Elle lui a concédé l’organisation artistique et logistique de la manifestation, moyennant un abandon des recettes, en sus d’une subvention de 495 000 euros annuelle. Des membres de l’opposition municipale ont saisi le juge administratif afin de voir annuler cette délibération et le contrat subséquent. Ils estimaient que l’attribution du contrat aurait dû être précédée d’une mise en concurrence afin de sélectionner le meilleur des candidats, et ne pas procéder à une attribution directe. La commune soutenait qu’il s’agissait d’un simple contrat de subvention au spectacle vivant, ainsi que l’autorisent les dispositions législatives spécifiques. Le Tribunal administratif de Toulon, confirmé par la Cour administrative de Marseille, juge que l’activité en litige constitue une activité de service public. Il en déduit que le contrat par lequel la commune confie l’organisation du festival à la personne privée doit être qualifié de délégation de service public. Ce faisant, la commune a bel et bien violé les prescriptions légales relatives à la publicité et la mise en concurrence devant précéder l’attribution du contrat. Le Conseil d’État, saisi par la commune, s’est vu confié la tâche de qualifier la nature de l’activité d’organisation d’un festival, lorsque la commune n’exerce pas de contrôle sur la programmation artistique et octroi un abandon de recettes et une subvention à la personne chargée de son exécution. Il juge, à l’inverse des juridictions du fond, que l’activité n’est pas une activité de service public, mais que, s’agissant d’une prestation de services confiée à un opérateur économique, en contrepartie d’une rémunération, le contrat de subvention doit être requalifié en marché public. Il annule ainsi les jugements et arrêts des juges de première instance et d’appel mais confirme l’annulation de la délibération litigieuse.

L’arrêt Commune de Six-Fours-les-plages se situe dans la (riche) lignée des décisions relatives à des qualifications litigieuses d’activité de service public. Il démontre, encore une fois, l’incertitude qui pèse sur la qualification de service public (I). Au-delà des questions théoriques qu’elle soulève, l’incertitude rend difficile, en pratique, la détermination du régime de gestion applicable aux activités en cause (II).

  • I - La qualification incertaine du service public
    • A - L’évolution de la qualification du service public exercé par un tiers
    • B - Le difficile maniement des critères
  • II - La délicate détermination du régime juridique de gestion du service public
    • A - Une problématique inédite
    • B - La conséquence de la solution sur la détermination du régime applicable
  • CE, 23/05/2011, Commune de Six-Fours-les-plages

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